Sommaires exécutifs 11 déc. 2023
Travaux de construction : une responsabilité supplémentaire pour les propriétaires employeurs
Le 10 novembre dernier, la Cour suprême a ajouté une couche de responsabilité sur les chantiers de construction : celle des propriétaires des lieux. Le plus haut tribunal du pays a décidé que, malgré la délégation de l’ensemble des travaux à un entrepreneur général, le propriétaire des lieux qui a un statut d’employeur peut voir sa responsabilité pénale en santé et sécurité au travail (« SST ») engendrée en cas de manquements sur le chantier.
Dans une décision très partagée à 4 contre 41, c'est le juge en chef qui a fait pencher la balance, faisant ainsi de la notion d'« employeur » le point d'ancrage de la responsabilité pénale en matière de SST.
En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario(« Loi »), une entreprise est considérée être un employeur si elle emploie un ou des travailleurs. De ce fait, la relation entre le propriétaire et l’entrepreneur général, très présente dans l’industrie de la construction, ne relève généralement pas de cette définition. En effet, celle-ci demande à une tierce entité, l’entrepreneur général, d’assumer l’exécution et la surveillance des travaux sur l’ensemble du chantier.
Mise en contexte
Dans cette affaire, la Ville de Sudbury (« Ville ») conclut un contrat avec Interpaving Limited (« Interpaving ») pour la réparation d’une conduite d’eau principale située au centre-ville. Pendant les travaux, un évènement tragique survient : un employé d’Interpaving fait marche arrière avec une niveleuse et percute une piétonne qui décède. Malgré l’absence de contrôle de la Ville sur les travailleurs d’Interpaving, les autorités émettent un constat d’infraction contre elle, basant leur argumentaire sur le statut d’employeur de la Ville. La poursuite considère donc qu’elle a manqué à son devoir d’assurer le respect du règlement intitulé Chantiers de construction.
Après que le tribunal de première instance ainsi que la Cour d’appel des infractions provinciales ont acquitté sur cette base (absence de lien) la Cour suprême donne raison à la Couronne et considère que celle-ci n’a pas à démontrer, hors de tout doute raisonnable, que le propriétaire des lieux, employeur, exerce un contrôle sur les travaux effectués ou sur les travailleurs. Son simple statut d’employeur engendre son imputabilité : il appartient alors à cet employeur de faire une preuve de diligence raisonnable. Le dossier est retourné au tribunal d’appel pour statuer sur ce volet.
« Nouveau » fardeau de preuve
Dorénavant, le Ministère qui poursuivra une entreprise en vertu de cette Loi, fort similaire à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »), devra simplement démontrer hors de tout doute raisonnable que :
- 1. L’entreprise est un employeur au sens de la Loi au moment des faits en litige; et
- 2. L’entreprise n’a pas mis en place des mesures de sécurité prescrites par la Loi ou un règlement.
Il appartiendra ensuite à l’employeur, en défense, de faire preuve de diligence raisonnable. La Cour suprême du Canada considère que c’est à cette étape uniquement que l’absence de contrôle sur les lieux du travail ou sur les travailleurs pourra être prise en considération. Il est à noter que la Cour est claire à l’effet que cet élément ne mènera pas automatiquement à un acquittement : il sera considéré pour établir le niveau de diligence requis.
En conséquence, le propriétaire d’un lieu où s’exécutent des travaux de construction pourra voir sa responsabilité pénale engagée du simple fait qu’il est un employeur au sens de la Loi, même s’il n’est pas celui des travailleurs qui exécutent les travaux. L’arrêt Grand Sudburry provient d’une affaire découlant de la législation de l’Ontario par ailleurs similaire à celle du Québec : il entraînera nécessairement des conséquences sur l’interprétation de la législation québécoise en matière de santé et de sécurité au travail.
Cet arrêt n’est pas sans rappeler l’arrêt Sobeys dans lequel la Cour d’appel du Québec estimait que l’employeur ayant un contrôle sur la tenue des lieux était aussi responsable des travailleurs des autres employeurs présents sur ces lieux.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en santé et sécurité au travail.
[1] Le coram était composé des 9 juges de la Cour suprême, mais le juge Brown n’a pas participé au dispositif final du jugement.
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