Sommaires exécutifs 3 mars 2023

Projet de loi no. 10 : quels impacts sur nos services de santé?

Le 15 février 2023, le ministre de la Santé, M. Christian Dubé, a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi no. 10, Loi limitant le recours aux services d’une agence de placement de personnel et à de la main-d’œuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Ce projet de loi prévoit qu’un organisme du secteur de la santé et des services sociaux ne pourra recourir aux services d’une agence de placement de personnel et à de la main-d’œuvre indépendante, sauf dans la mesure prévue par règlement du gouvernement.

Quels organismes sont visés par le projet de loi?

  • Les établissements;
  • Les ressources intermédiaires;
  • Les ressources de type familial;
  • Les résidences privées pour aînés;
  • Les maisons de soins palliatifs titulaires d’un agrément délivré par le ministre; et
  • Les institutions religieuses qui exploitent une infirmerie, ou qui maintiennent une installation d’hébergement et de soins de longue durée pour recevoir ses membres ou ses adhérents.

Pour ce faire, le ministre s’est réservé une discrétion réglementaire importante, ce qui fait du projet de loi no. 10 un texte évolutif.

Dates annoncées pour l’implantation des mesures

En point de presse, le ministre Dubé a précisé que cette interdiction de recourir aux agences privées et à la main-d’œuvre indépendante sera appliquée de manière progressive :

  • D’ici la fin de l’année 2024 dans les milieux urbains (ex. : Montréal et Québec);
  • D’ici la fin de l’année 2025 dans les milieux mitoyens, et;
  • D’ici la fin de l’année 2026 dans les milieux éloignés.

Le ministre a mentionné que l’objectif de ce plan en plusieurs étapes consiste à :

  • Retenir les travailleuses et travailleurs au sein du réseau public;
  • Attirer la main-d’œuvre œuvrant actuellement dans le secteur privé; et
  • Convaincre les personnes actuellement en formation à se joindre au réseau public.

Pour ce faire, le ministre entend déposer d’autres projets de loi, notamment un en mars 2023. Le gouvernement entend aussi améliorer les conditions de travail des travailleurs et travailleuses du secteur public en santé. Aucune précision n’est donnée à cet effet pour le moment.

Quels enjeux ce projet de loi soulève-t-il?

L’interdiction promulguée par le projet de loi no. 10 de recourir à l’acteur privé dans le réseau public ne garantit aucunement la transition des personnes travaillant pour une agence privée. D’ailleurs, un sondage récent mené auprès des travailleuses et travailleurs d’agences privées démontre que chez 81 % de ces personnes, il est peu probable qu’elles retournent dans le secteur public avant leur retraite.

À l’heure actuelle, les agences privées offrent un soutien essentiel afin que les Québécois puissent recevoir des soins de santé dans tout le réseau. Sans leur présence, les listes d’attente en chirurgie seraient plus longues et les soins dispensés au sein des résidences pour personnes âgées en souffriraient grandement.

Dans ce contexte, la constitutionnalité du projet de loi no. 10 peut être questionnée en regard des articles 1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (droit à la vie et à la sûreté de la personne) et 7 de la Charte canadienne des droits de la personne (droit à la vie et à la sécurité de la personne).

À ce titre, dans un arrêt rendu en 2005 dans l’affaire Chaoulli c. Québec (Procureur général),la Cour suprême, à la majorité, a jugé inconstitutionnelles des dispositions législatives empêchant les Québécois de souscrire une assurance privée et de bénéficier de soins de santé dans le secteur privé. Ces atteintes aux droits à la vie, à la sûreté et à la sécurité de la personne n’avaient pu être sauvegardés en vertu des chartes.

Ainsi, le fait d’empêcher le recours à l’acteur privé dans le réseau public de la santé, compte tenu des problèmes majeurs déjà encourus dans ce réseau en matière d’accès aux soins de santé, pourrait contrevenir des droits garantis par les chartes.

Ces problèmes ont certes été accentués par la pandémie de la COVID-19, mais ils sont encore bien présents, et ce, malgré la contribution essentielle des agences privées et de leur personnel en raison de :

  • Listes d’attente allongées;
  • Manque de personnel dans les blocs opératoires; et
  • Difficultés d’avoir accès à des examens en imagerie médicale.

Ce ne sont que quelques exemples parmi plusieurs autres démontrant la fragilité actuelle du réseau.

Bannir le recours aux agences privées et à la main-d’œuvre indépendante est de nature à fragiliser l’accès aux soins de santé des Québécois. Nul ne doute, dans ce contexte, que le projet de loi no. 10 pourrait être soumis au test des tribunaux.

Notre équipe de droit du travail et de l’emploi surveille de près les prochains développements en lien avec l’adoption de ce projet de loi et demeure à votre disposition pour toute question en lien avec celui-ci.

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