Cas récents 30 oct. 2019

Gain de cause: rejet d’une réclamation contre Hydro-Québec et la SEBJ

Le 23 octobre 2019, la Cour supérieure a condamné la coentreprise Janin Atlas inc. et Bot Civil inc. (« Janin-Bot ») à payer à Hydro-Québec et à la Société d’énergie de la Baie-James (collectivement, la « SEBJ ») la somme de 2 979 447 $ en plus des intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle à compter du 15 décembre 2004, des frais de justice, incluant les frais d’expertise, rejetant par le fait même la réclamation de Janin-Bot à l’encontre de la SEBJ, qui s’élevait à 33,4 M$, et accueillant la demande reconventionnelle de la SEBJ. BCF représentait les intérêts de la SEBJ dans ce litige, dont les faits remontent aux années 2002 à 2004.

Le litige concerne les travaux réalisés par Janin-Bot pour construire le canal de dérivation provisoire de la rivière Eastmain (la « Dérivation »), ouvrage nécessaire pour permettre la construction à sec de la centrale hydroélectrique de l’Eastmain-1. L’entrepreneur a soumissionné pour un montant de 26 M$ et allègue qu’à la suite de la réalisation des travaux, le coût de construction de la Dérivation se serait élevé à 62,5 M$.

Janin-Bot réclamait à la SEBJ les sommes qu’elle prétendait avoir encourues en dépassement de coûts pour la réalisation des travaux et attribuait ces dépassements de coûts essentiellement à des conditions géologiques qui auraient été différentes de celles prévues aux documents d’appel d’offres de la SEBJ et que celle-ci a considérées dans la conception de l’ouvrage. Janin-Bot invoquait au soutien de ses prétentions un manquement de la SEBJ à son devoir de renseignement. Elle réclamait également les coûts qui auraient été engendrés par des travaux supplémentaires et les retards qui auraient été engendrés dans la réalisation des travaux, dont elle attribue la responsabilité à la SEBJ. De son côté, la SEBJ estimait que les conditions géologiques n’étaient pas différentes de celles annoncées, qu’elle n’a pas manqué à son obligation de renseignement et que seuls 3 M$ des coûts supplémentaires réclamés lui seraient imputables. Considérant les avances de 6 M$ qu’elle a déjà payées, sous toutes réserves, en cours de réalisation des travaux, la SEBJ demandait le remboursement d’une somme de près de 3 M$.

La Cour supérieure, sous la plume de l’honorable Marie-Anne Paquette, rejette en totalité la réclamation de Janin-Bot et accueille la demande reconventionnelle de la SEBJ.

Dans un jugement fort étoffé, la Cour supérieure retient de la preuve que la SEBJ n’a pas manqué à son obligation de renseigner Janin-Bot. Elle retient plutôt que c’est l’entrepreneur qui a fait preuve d’une certaine « légèreté » au moment de se renseigner sur la géologie des lieux et de tenir compte des informations disponibles, dont, notamment, des rapports de forage. À cet égard, la Cour tient notamment compte du fait que Janin-Bot a omis de considérer des informations importantes sur la géologie au moment de soumissionner, et que, dans ces circonstances, il est difficile d’invoquer un manquement par la SEBJ à son devoir d’information. L’expert en géologie retenu par Janin-Bot a lui-même admis au procès que les informations que Janin-Bot a omis de considérer lors de l’appel d’offres étaient essentielles, et que l’entrepreneur se devait de consulter ces rapports de forage. La Cour supérieure souligne également le fait que Janin-Bot a choisi de ne pas informer son sous-traitant en forage-dynamitage de ses propres analyses de la géologie, qui lui-même se plaignait des conditions géologiques différentes que celles énoncées aux rapports de forage et des difficultés en cours de chantier qui en auraient découlé. Le représentant du sous-traitant apprenait par ailleurs pour la première fois, lors du procès, l’existence de certains documents reliés à la géologie que détenait Janin-Bot et qui démontraient la prévisibilité des conditions géologiques.

Finalement, la Cour supérieure conclut que Janin-Bot n’a pas respecté les dispositions du contrat lui permettant d’obtenir un ajustement de prix contractuel en raison de la géologie. Plus particulièrement, la Cour conclut que Janin-Bot a failli à prouver l’existence d’un écart considérable entre les conditions géologiques rencontrées lors du chantier et celles annoncées dans le cadre des documents d’appel d’offres. Elle rejette ainsi la réclamation de l’entrepreneur fondée sur les conditions géologiques rencontrées.

Quant à l’analyse des retards encourus au chantier, la Cour supérieure retient plutôt plusieurs éléments qui sont imputables à Janin-Bot qui sont susceptibles d’avoir contribué aux retards encourus, dont notamment: (i) déficiences dans le suivi de la qualité des travaux; (ii) mobilisation insuffisante en début de chantier de personnel et d’équipements pour réaliser certains travaux; (iii) retard dans la mise en place du deuxième quart de travail de nuit et le manque d’effectifs; et (iv) déficience quant aux qualifications du personnel clé de Janin-Bot.

Ainsi, la Cour supérieure confirme que les problèmes encourus par Janin-Bot en cours du chantier lui sont attribuables et que la SEBJ ne peut ainsi en être tenue responsable.

La Cour supérieure réitère la nécessité d’une preuve d’expert pour effectuer l’analyse des retards et du bien-fondé d’une réclamation. Or, la preuve présentée par Janin-Bot à cet égard est déficiente, voire absente. Le tribunal prend également acte du fait que la demande de compensation préparée par un entrepreneur, du propre aveu des parties, ne fait pas preuve de son contenu. D’un autre côté, la Cour supérieure retient l’opinion des experts de la SEBJ à l’effet que la réclamation de Janin-Bot se rapproche davantage de la méthode du coût total (qui est à proscrire dans de telles réclamations), puisque plusieurs des coûts réclamés de Janin-Bot ne sont pas réels, ne sont pas rattachés aux prétendues causes des événements, et ce, en plus d’être surévalués et surestimés au moyen de perte de productivité, de coûts d’entretien ou de frais d’accélération déjà inclus dans les taux.

Au final, malgré la perte alléguée par l’entrepreneur, la Cour supérieure donne entièrement gain de cause à la SEBJ et condamne Janin-Bot à payer à la SEBJ, la somme de 2 979 447 $, en plus des intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle, des frais de justice et des frais d’expertise.

Essentiellement, cette décision réitère le principe juridique bien connu que l’entrepreneur appelé à soumissionner pour la réalisation de travaux a l’obligation de s’informer quant aux paramètres de réalisation de l’ouvrage, obligation étant le corollaire de l’obligation d’information qui incombe au donneur d’ouvrage. Le défaut de l’entrepreneur de remplir ses obligations à ce titre est lourd en conséquence et seul l’entrepreneur sera à blâmer dans de telles circonstances.

La Cour supérieure reconnaît que la réalisation des travaux a certes eu son lot de problèmes, mais que l’entrepreneur ne peut simplement imputer la responsabilité de tous les retards et coûts encourus au donneur d’ouvrage, sans considérer ses propres fautes dans l’exécution des travaux.

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