Sommaires exécutifs 5 déc. 2023
Le non-respect de la procédure de réclamation contractuelle, une fatalité pour l’entrepreneur?
Le respect de la procédure contractuelle peut s’avérer complexe et hasardeux, notamment dans les projets en mode accéléré et en mode conception-construction, où les entrepreneurs sont souvent confrontés à de multiples imprévus et changements apportés au concept en cours de chantier.
Afin d’invoquer avec succès une clause de réclamation, le respect de la procédure prévue au contrat, notamment l’envoi d’un avis de réclamation dans les délais stipulés, peut s’avérer primordial. La jurisprudence récente illustre bien que le non-respect de cette procédure peut être fatal à l’entrepreneur, cette procédure permettant « au donneur d’ouvrage de vérifier sur-le-champ les difficultés soulevées par l’entrepreneur de sorte à prendre les décisions en conséquence ».1
Toutefois, dans certaines circonstances, le non-respect du processus de réclamation prévu au contrat ne constitue pas nécessairement une fin de non-recevoir opposable à la réclamation de l’entrepreneur.
La renonciation à la procédure de réclamation
Les formalités de dénonciation se retrouvent à être parfois écartées par les tribunaux, dans la mesure où la preuve démontre que les parties ont renoncé explicitement ou implicitement2 aux formalités de dénonciation et/ou que le propriétaire a été avisé des changements visés par la réclamation de l’entrepreneur. La preuve de la renonciation à la procédure de réclamation peut se déduire du comportement des parties ou de leurs échanges au cours du chantier.
La Cour supérieure a d’ailleurs donné raison à un entrepreneur qui prétendait que la clause de révision de prix devait recevoir application même si la procédure formelle de réclamation n’avait pas été respectée.3 En effet, la Cour a conclu que le donneur d’ouvrage avait renoncé tacitement à la procédure de réclamation puisqu’il ne s’était jamais plaint ni préoccupé de l’absence d’un avis formel de réclamation, notamment alors que l’entrepreneur avait déjà abordé la possibilité d’une augmentation des coûts et que ce sujet avait fait l’objet de nombreuses discussions.
De la même manière, la Cour a jugé qu’un donneur d’ouvrage qui n’avait jamais exigé l’application stricte de la procédure de réclamation contractuelle avait renoncé à celle-ci alors qu’il avait accepté d’étudier de nombreuses réclamations de l’entrepreneur, y compris certaines effectuées tardivement4. Le tribunal a fait une analyse complète de cette renonciation sous l’angle du devoir des cocontractants d’agir avec cohérence et bonne foi, lorsqu’ils n’ont pas opposé en temps opportun le défaut de respecter l’avis formel exigé par le contrat.
Une conclusion presque identique s’est imposée récemment lorsque la Cour a conclu qu’un donneur d’ouvrage avait renoncé à la procédure contractuelle pour une question d’efficacité sur le chantier5. À l’inverse, la Cour a jugé que le fait pour un donneur d’ouvrage d’accepter de payer de bonne foi certains « extras » (malgré le non-respect des documents contractuels) et de refuser d’en payer d’autres n’équivalait pas à renonciation, mais démontrait plutôt son désaccord avec la valeur de certains travaux6. La Cour mentionne notamment que « le fait de ne pas exiger de pièces justificatives lorsque la valeur des travaux est acceptée ne dispens[ait] pas [l’entrepreneur] de justifier ses coûts » en cas de contestation.
En conclusion, il importe de rappeler qu’afin d’éviter un litige avec son cocontractant, l’entrepreneur devrait toujours se conformer à la procédure de réclamation contractuelle. En cas de non-respect de cette procédure, les tribunaux analyseront le comportement des parties et le contexte propre à chaque projet de construction et détermineront s’il y a présence, ou non, d’une renonciation au strict formalisme contractuel, afin de juger de la recevabilité de la réclamation de l’entrepreneur.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en litige de construction qui se fera un plaisir de vous accompagner.
[1] Uniroc Construction inc. c. Ville de Saint-Jérôme, 2021 QCCA 907 and [2] Société de cogénération de St-Félicien, Société en commandite/St-Félicien Cogeneration Limited Partnership c. Les Industrie Falmec inc., 2005 QCCA 441, par. 58 and [3] Pomerleau inc. c. Administration portuaire de Sept-Îles, 2020 QCCS 1689 and [4] Sintra inc. c. Ville de Léry, 2019 QCCS 2616. Une conclusion similaire a été adoptée dans l’affaire Aciers Fax inc. c. EBC inc., 2021 QCCS 1667 and [5] 9039-4701 Québec inc. c. Groupe Civicam inc., 2022 QCCS 1899 and [6] Aciers Fax inc. c. Casiloc inc., 2018 QCCS 5211.
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