Sommaires exécutifs 30 janv. 2024
Entrepreneurs : pourquoi est-il important que vous participiez directement aux travaux?
L’hypothèque légale en faveur des personnes ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, est un outil de choix pour les entrepreneurs afin de protéger leur créance. Or, non seulement cette dernière est soumise à des exigences procédurales strictes, mais la liste d’intervenants pouvant en bénéficier est restreinte et une décision récente a permis de rappeler que l’entrepreneur n’est pas à l’abri d’une contestation à ce sujet.
Des exigences procédurales strictes
Les principes généraux encadrant l’hypothèque légale de la construction sont bien connus. Cette dernière existe par le seul effet de la loi et, à l’exception de la dénonciation du contrat propre à certaines situations, elle n’est pas dépendante d’autres formalités pour prendre naissance. Toutefois, afin d’être conservée, cette hypothèque doit faire l’objet d’un avis d’inscription au Registre foncier par son titulaire dans les 30 jours suivant la fin des travaux, lequel doit être signifié au propriétaire de l’immeuble.
L’entrepreneur, s’il demeure impayé suivant l’inscription de l’avis d’hypothèque, devra également publier un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans les six mois de la fin des travaux s’il veut conserver ses droits.
Ces délais intrinsèquement courts nécessitent une vigilance accrue, d’autant plus qu’ils sont conjugués à la date de fin des travaux, laquelle est elle-même hautement factuelle et centrale à de nombreux litiges en matière de construction.
L’entrepreneur comme bénéficiaire de l’hypothèque légale
Ces exigences de forme ne sont pas les seules qui doivent faire l’objet d’une prudence accrue des entrepreneurs. En effet, encore faut-il que l’entrepreneur puisse bénéficier d’une telle hypothèque. Or, la jurisprudence exige une participation directe de l’entrepreneur aux travaux de construction ou de rénovation. Autrement dit, il est essentiel qu’un entrepreneur ait effectué lui-même des travaux ou à tout le moins qu’il en ait dirigé l’exécution pour prétendre à une hypothèque légale de la construction.
Quoique d’apparence simple, cette exigence est centrale puisqu’un débat ou une contestation à ce sujet est également synonyme de frais importants.
À ce titre, la Cour a rappelé en juin 2022 qu’un « simple gestionnaire de chantier » ne se qualifie pas à titre d’intervenant pouvant bénéficier d’une hypothèque légale de la construction. Dans cette affaire, la demanderesse, une entreprise dans le domaine de la vente et de la promotion de mini maisons, a introduit une demande en radiation d’hypothèque légale suivant la publication d’avis par l’entrepreneur, Construction Lalonde. Le cœur du litige concernait le type de contrat intervenu verbalement entre les parties, la demanderesse prétendant que celui-ci constituait uniquement un contrat de gestion de chantiers alors que Construction Lalonde prétendait plutôt à un contrat d’entreprise standard. Selon la demanderesse, elle avait elle-même joué le rôle de l’entrepreneur alors que Construction Lalonde devait simplement coordonner les chantiers et les déboursés.
La Cour constate d’abord que la demanderesse n’a aucune expérience en construction ni même d’employé pouvant procéder à une quelconque construction, voire aucun employé tout court pour la majorité de la période pertinente, ce qui nuit nécessairement à ses prétentions. D’un autre côté, la Cour relève également certains éléments étrangers au contrat d’entreprise typique.
Par exemple :
- L’entrepreneur n’avait pas requis d’avance ou de dépôt pour la réalisation des travaux et n’avait pas facturé progressivement son travail,
- Les parties s’étaient également entendues sur le partage du profit net découlant de la construction.
- De plus, contrairement à un contrat d’entreprise « pur » selon lequel l’entrepreneur acquitte les sommes réclamées par les sous-traitants, les parties s’étaient entendues initialement pour que la demanderesse acquitte elle-même ces montants.
Ultimement, la Cour en vient à la conclusion que le fait que certains aspects « dérogent » à la « qualification – pure et dure – d’entrepreneur général » ne fait pas échec à une telle qualification d’autant plus que certains contrats peuvent revêtir une formule hybride. En effet, la preuve démontrait de façon convaincante que le contremaitre de Construction Lalonde était sur le chantier tous les jours et que l’entrepreneur avait réalisé des travaux de charpente, d’excavation et une série de travaux de finition intérieure.
La preuve démontrait par ailleurs que Construction Lalonde avait octroyé la majorité des contrats et qu’elle avait géré les imprévus tout au long des travaux en plus de superviser le travail de la totalité des sous-traitants alors que la demanderesse n’était même pas présente sur le chantier pour la majorité du temps.
Le tribunal est donc d’avis que Construction Lalonde pouvait bénéficier du droit à l’hypothèque légale.
Bien que le dénouement se soit avéré heureux pour l’entrepreneur, cette affaire rappelle l’importance pour l’entrepreneur de conclure un contrat d’entreprise écrit clair s’il souhaite bénéficier d’une hypothèque légale de la construction, un outil s’avérant fort utile dans bien des cas.
Pour toutes questions, n’hésitez pas à contacter notre équipe en litige de construction qui se fera un plaisir de vous aider.
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