
Sommaires exécutifs 25 avr. 2024
4 décisions en droit du travail qui ont changé la donne en 2023
L’adoption du télétravail dans les entreprises, en réponse aux mesures sanitaires imposées pendant la pandémie, a amené les tribunaux administratifs et judiciaires à revisiter certains concepts juridiques.
Les décisions récentes reflètent cette adaptation aux nouvelles réalités professionnelles. Voici un aperçu de celles qui ont marqué l’année 2023.
L’affaire Groupe CRH Canada inc. c. Tribunal administratif du travail
Le 25 novembre 2021, le Tribunal administratif du travail a conclu que l’employeur avait enfreint les règles anti-briseurs de grève en permettant à une employée en télétravail de continuer à travailler pendant un lock-out. Le Tribunal a décidé que l’« établissement » de l’employeur incluait les espaces privés de l’employée travaillant à distance.
La Cour supérieure a infirmé cette décision, la jugeant déraisonnable. Elle a estimé que l’interprétation élargie de la notion d’« établissement » était irrationnelle et incompatible avec divers arrêts de la Cour d’appel.
Ainsi, la Cour supérieure écarte le concept de l’« établissement déployé ». Elle adopte l’interprétation de la Cour d’appel selon laquelle un «établissement» se limite au lieu physique de l’employeur, où les portes sont théoriquement verrouillées, et ne s’étend pas au domicile de l’employé en télétravail.
Précisons que cette décision fait actuellement l’objet d’une autorisation pour permission d’appeler.
Mentionnons également que dans l’affaire Coop Novago c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Coop Lanaudière — CSN, la Cour supérieure en est venue à la conclusion contraire et a estimé que les fonctions d’un salarié de l’unité de négociation en grève ne pouvaient être effectuées à distance, en l’occurrence en télétravail par des employés non syndiqués.
Considérant que cette question fait l’objet d’une jurisprudence contradictoire, nous suivrons avec intérêt les enseignements de la Cour d’appel.
L’affaire Marchetta c. Tribunal administratif du travail
Cette affaire concerne une employée qui travaillait à distance pour une entreprise américaine sans aucune présence physique au Québec, et qui a été licenciée par celle-ci.
L’employée conteste alors son congédiement auprès de la CNESST en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. L’employeur plaide notamment que cette loi est inapplicable puisqu’il n’a aucun établissement au Québec. Considérant que l’employée rendait des services à partir de son domicile québécois, le Tribunal administratif du travail a initialement estimé que ce domicile constituait un établissement de l’entreprise et que, dès lors, la Loi sur les normes du travail trouvait application.
En révision, le Tribunal administratif du travail a infirmé la décision de première instance en rappelant que l’article 2 de la Loi sur les normes du travail ne conférait pas de portée extraterritoriale. La Cour supérieure a ensuite confirmé la décision rendue en révision par le Tribunal administratif du travail en rappelant qu’il est primordial que l’employeur ait un lien de rattachement au Québec pour que la Loi sur les normes du travail s’applique. Le domicile de l’employée ne peut servir d’un tel lien de rattachement en l’absence de preuve démontrant que l’employeur entend se servir de cette résidence pour mener ses affaires, par exemple en utilisant l’adresse de la résidence sur des documents officiels ou encore pour faire livrer du matériel.
La Cour d’appel, ayant autorisé la demande de permission d’appeler, devra statuer sur cette question dans les prochains mois. Il sera particulièrement intéressant de suivre cette affaire, car le télétravail a amené de nombreuses personnes à travailler pour des employeurs situés à l’étranger, ce qui a engendré des questions juridiques complexes.
L’affaire Trivium Avocats inc. c. Rochon
Cette affaire a apporté certaines précisions sur l’obligation générale de l’employeur de prévenir la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel, énoncée dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »). Rappelons que la LSST peut s’appliquer à l’employé en télétravail et à son employeur.
La Cour supérieure s’est appuyée sur ces nouvelles obligations pour accorder une demande d’injonction permanente dans un cas de violence familiale, qui relève généralement du domaine de la vie privée. L’employeur avait demandé une ordonnance de protection visant son employée victime de violence psychologique familiale. En effet, son fils lui téléphonait au travail plusieurs fois par jour pour la menacer, l’intimider et exiger de l’argent. La Cour a jugé que l’employeur avait l’obligation d’intervenir pour protéger l’employée sur son lieu de travail, en vertu de l’article 51 de la LSST. De plus, elle a reconnu que cette obligation donnait à l’employeur le droit d’agir pour obtenir une ordonnance de protection.
Au cours de l’année 2023, le télétravail aura suscité au sein des tribunaux bon nombre de débats et de discussions quant aux obligations des employeurs, et ces discussions promettent de se poursuivre en 2024.
Pour en savoir davantage sur les derniers développements en droit du travail, joignez-vous à nous le 30 avril 2024 lors de notre Forum stratégique en droit du travail et de l’emploi: Inscrivez-vous dès maintenant
Inscrivez-vous à nos communications et bénéficiez de notre connaissance du marché pour déceler de nouvelles occasions d’affaires, vous renseigner sur les meilleures pratiques innovantes et recevoir les plus récents développements. Découvrez en primeur notre intelligence d’affaires et nos événements.