Sommaires exécutifs 13 janv. 2022
Que peut faire un entrepreneur général pour se dégager de son devoir de conseil?
Par
Vicky Berthiaume, Gabriel Dubois
Le devoir de conseil de l’entrepreneur général est bien connu en droit de la construction. L’entrepreneur général doit agir aux mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence.
Il a le devoir d’informer le client des coûts supplémentaires engendrés par l’exécution de travaux additionnels et des difficultés rencontrées lors de l’exécution de son travail. Il doit également vérifier l’étendue de son engagement, prévoir les modalités de sa réalisation, évaluer les problèmes qui pourraient survenir et en informer son client.
De plus, lorsque les matériaux sont fournis par le client, l’entrepreneur général est tenu d’informer ce dernier s’ils sont impropres à l’utilisation pour laquelle ils sont destinés ou s’ils sont affectés d’un vice apparent ou d’un vice caché que l’entrepreneur devrait connaître. L’entrepreneur a ainsi l’obligation de vérifier la qualité des matériaux utilisés. Ces obligations s’appliquent notamment à la qualité du sol.
Jusqu’où va le devoir de conseil de l’entrepreneur général?
Le devoir de conseil de l’entrepreneur général est également à l’origine de son obligation de signaler les anomalies dans les plans et les expertises des professionnels, comme décrit dans l’article de nos collègues Jean-Sébastien Beaulieu et Raphaël Côté. Cette responsabilité de l’entrepreneur général se limite toutefois à un examen sommaire. En effet, pour se protéger d’une éventuelle réclamation et se garder la possibilité de faire porter la responsabilité aux professionnels en lien avec une éventuelle erreur ou un éventuel défaut dans leurs plans et expertises, l’entrepreneur général doit faire des vérifications, mais il n’a pas à aller jusqu’à refaire le travail de l’architecte, de l’ingénieur ou du technologue professionnel.
Le devoir de conseil de l’entrepreneur général entre aussi en compte lorsqu’il veut démontrer qu’un vice de construction est dû aux décisions du propriétaire. Pour se prévaloir de ce moyen d’exonération, l’entrepreneur général doit démontrer qu’il a dûment informé le propriétaire des conséquences que ses choix auraient sur le projet.
Comment un entrepreneur général peut-il se dégager de sa responsabilité?
La question peut aussi se poser à savoir si un entrepreneur général peut dûment se dégager de sa responsabilité en démontrant s’être acquitté de son devoir de conseil envers l’architecte plutôt qu’envers le propriétaire. Lorsque confronté à une difficulté sur le chantier, l’entrepreneur général peut-il s’en tenir à un avis à l’architecte ou doit-il exercer son devoir de conseil directement auprès du propriétaire?
Dans un arrêt de 2021 de la Cour d’appel du Québec, la Cour a rejeté l’appel d’un architecte qui contestait sa condamnation personnelle relativement à des surcoûts pour le bâtiment qu’il avait conçu et pour lequel il avait fait la surveillance des travaux. Dans cette affaire, le procès a porté en grande partie sur la présence d’arbres qui avaient finalement été abattus et qui, selon la preuve, auraient dû l’être dès le début des travaux, afin d’éviter d’importants surcoûts de construction et afin d’éviter l’inondation d’un chemin d’accès.
Dans le procès, le propriétaire recherchait la responsabilité solidaire de l’entrepreneur général et de l’architecte pour les surcoûts liés à la présence des arbres. La Cour supérieure a toutefois conclu que seul l’architecte était responsable des surcoûts. La Cour d’appel a maintenu la décision.
La preuve, dans cette affaire, a révélé que le propriétaire désirait conserver le plus grand nombre d’arbres possible afin de garder l’aspect naturel du terrain. L’architecte se défendait contre la réclamation pour les surcoûts en faisant valoir que le propriétaire avait pris la décision éclairée de ne pas faire abattre les arbres. La preuve au procès a toutefois démontré que le désir du propriétaire de conserver le plus d’arbres possible n’avait jamais été imposé par ce dernier. L’architecte et l’entrepreneur général devaient donc s’opposer à la conservation des arbres à l’origine des problèmes.
À ce sujet, l’entrepreneur général a témoigné avoir avisé l’architecte que les coûts de construction seraient augmentés si les arbres étaient conservés. La Cour supérieure et la Cour d’appel ont jugé que cet avis à l’architecte, donné par l’entrepreneur général, était suffisant pour décharger ce dernier de la responsabilité pour les surcoûts.
Cette conclusion est toutefois fondée sur les faits particuliers de ce dossier. Le propriétaire n’avait aucune connaissance en construction et il avait suivi toutes les recommandations de l’architecte. Il a aussi été mis en preuve que l’architecte avait assuré la surveillance de l’ensemble des travaux. En effet, bien que l’entente conclue entre le propriétaire et l’architecte visait la surveillance partielle des travaux, les faits du dossier ont révélé que l’architecte avait surveillé l’ensemble des travaux. L’entrepreneur général et un des sous-traitants avaient d’ailleurs décrit l’architecte comme le maître d’œuvre des travaux et le seul qui prenait les décisions sur le chantier.
Pour se dégager de sa responsabilité pour les surcoûts liés à la présence d’arbres à proximité de l’édifice, l’entrepreneur général a mis en preuve qu’il avait avisé l’architecte que les arbres devraient être coupés. Puisque l’architecte agissait comme maître d’œuvre du projet, l’entrepreneur général a laissé le soin à ce dernier d’informer le propriétaire des difficultés liées à la présence des arbres. La Cour supérieure a conclu que cet avis, donné par l’entrepreneur général à l’architecte, était suffisant pour se décharger de son devoir de conseil. La Cour d’appel a maintenu la décision.
Pour toute question relative à la responsabilité de l’entrepreneur général dans l’exécution des travaux, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en litige de construction qui se fera un plaisir de vous conseiller.
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