Sommaires exécutifs 26 juil. 2018

La fin des clauses dites « orphelin » en matière de régime de retraite et d'avantages sociaux

Le Projet de loi no 176, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, empêche dorénavant des clauses dites « orphelin » ayant pour effet que les salariés embauchés après une date donnée se retrouvent avec un régime de retraite et/ou des avantages sociaux moins avantageux par rapport à ceux dont bénéficient les salariés engagés avant ladite date.

Jusqu’au 12 juin dernier, la Loi sur les normes du travail interdisait les clauses dites « orphelin » relativement au salaire. En effet, l’article 87.1 de cette Loi, dans sa version en vigueur jusqu’au 11 juin 2018, disposait comme suit :

« Une convention ou un décret ne peuvent avoir pour effet d’accorder à un salarié visé par une norme du travail, uniquement en fonction de sa date d’embauche et au regard d’une matière sur laquelle porte cette norme prévue aux sections I à V.1, VI et VII du présent chapitre, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d’autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement.

Il en est de même au regard d’une matière correspondant à l’une de celles visées par le premier alinéa lorsqu’une norme du travail portant sur cette matière a été fixée par règlement. »

DISPARITÉS DE TRAITEMENT DÉSORMAIS INTERDITES

Le Projet de loi no 176, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation travail-famille, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale le 12 juin dernier (la « Loi »), a ajouté des éléments à l’article 87.1 précité et empêche dorénavant les clauses dites « orphelin », qui ont pour effet que les salariés embauchés après une date donnée se retrouvent avec un régime de retraite et/ou des avantages sociaux moins avantageux par rapport à ceux dont bénéficient les salariés qui ont été engagés avant celle-ci.

Pour étendre le périmètre de l’interdiction posée à l’article 87.1 de la Loi sur les normes du travail, la Loi y a ajouté un troisième alinéa, applicable depuis le jour de son adoption, et qui indique : « Est également interdite une distinction fondée uniquement sur une date d’embauche, relativement à des régimes de retraite ou à d’autres avantages sociaux, qui affecte des salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement ». Il en découle qu’une convention collective ne peut plus prévoir que les salariés embauchés après une date donnée ne profiteront pas d’un certain régime de retraite (ou avantage) ou profiteront d’un régime de retraite (ou avantage) moins avantageux par rapport à celui dont bénéficient des salariés plus anciens.

Cela étant dit, l’article 53 de la Loi a pris soin de préciser que ce nouveau troisième alinéa de l’article 87.1 de la Loi sur les normes du travail ne s’applique pas à une distinction fondée uniquement sur une date d’embauche qui existait le 11 juin 2018, soit la veille de la date d’entrée en vigueur de la Loi. Ainsi, les disparités de traitement en matière de régime de retraite et d’avantages sociaux existant au jour de l’entrée en vigueur de la Loi demeurent valides et applicables.

Soulignons également qu’une disparité de traitement fondée sur l’ancienneté ou la durée du service reste valide en vertu de l’article 87.2 de la Loi sur les normes du travail.

NOUVEAU RECOURS INSTAURÉ

Autre point important à noter : la Loi a instauré une voie de recours particulière à l’encontre de ce type de disparités de traitement. Une section entière dans la Loi sur les normes du travail y est consacrée (cf. articles 121.1 à 121.8). En vertu de ces nouvelles dispositions, un salarié qui croit avoir été victime d’une distinction visée au troisième alinéa de l’article 87.1 de la Loi sur les normes du travail (ou un organisme à but non lucratif qui le défend avec son accord) peut déposer, par écrit, une plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST » ou la « Commission ») ou au Tribunal administratif du travail (le « TAT ») dans les 12 mois de la connaissance de la distinction par le salarié. Un salarié assujetti à une convention collective ou à un décret peut déposer une plainte auprès de la CNESST s’il démontre qu’il n’a pas utilisé de recours découlant de la convention collective ou du décret applicable ou que, s’il l’a fait, il s’en est désisté avant qu’une décision finale n’ait été rendue.

Sur réception d’une plainte, la Commission mène son enquête selon les règles habituelles (articles 103 à 110 et 123.3 de la Loi sur les normes du travail). Si, à la fin de l’enquête, la Commission refuse donner suite à la plainte, le salarié (ou l’organisme qui le défend) dispose d’un délai de 30 jours pour demander à la Commission par écrit de déférer sa plainte au TAT. A l’inverse, si la Commission accepte de donner suite à la plainte et à défaut d’un règlement entre les parties concernées, elle la défère sans délai au TAT. Notons que la Commission peut représenter le salarié dans le cadre de cette procédure devant le TAT.

Si le TAT juge que le salarié a été victime d’une distinction interdite, il peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable au regard des circonstances de l’affaire. En particulier, et sans que cette liste ne soit exhaustive, le TAT peut (i) ordonner de faire cesser la distinction, (ii) ordonner l’adhésion d’un salarié à un régime de retraite ou lui rendre applicables d’autres avantages sociaux, (iii) ordonner à l’employeur de verser au salarié une indemnité pour compenser la perte résultant de la distinction.

L’équipe de droit du travail et de l’emploi de BCF se tient à votre disposition pour répondre à vos questions.