Sommaires exécutifs 11 août 2022
Un entrepreneur général peut-il augmenter significativement le prix des travaux?
Les enjeux relatifs au prix de travaux ainsi qu’au type de contrat conclu par un entrepreneur général et son client ont occasionné d’innombrables conflits, principalement lorsque surviennent des dépassements de coûts en cours de travaux. Qui doit payer pour ces « extras » : le client ou l’entrepreneur?
De prime abord, il importe de rappeler les trois types de contrats de service utilisés dans le domaine de la construction :
- le contrat sur estimation,
- le contrat à forfait et
- le contrat de type « prix coûtant majoré ».
Dans le cadre du présent article, il sera question du contrat sur estimation et du contrat de type « prix coûtant majoré ».
D’ores et déjà, nous pouvons constater, contrairement à la croyance populaire, que ces deux types de contrats sont distincts l’un de l’autre; il est donc erroné pour un entrepreneur de prétendre, à titre d’exemple, avoir conclu avec un client un contrat de type « prix coûtant majoré », sur la foi d’une estimation fournie préalablement au client. En effet, c’est soit l’un, soit l’autre. Le seul cas qui permettra de se retrouver à la fois en présence d’une estimation et d’un contrat de type « prix coûtant majoré » est lorsque les parties auront convenu d’écarter l’estimation fournie par l’entrepreneur, et de plutôt s’en remettre aux coûts réels encourus pour la réalisation des travaux.
Ainsi, afin de bien saisir les enjeux entourant chacun de ces deux types de contrats et de s’assurer de conclure un contrat qui satisfait aux besoins respectifs des parties, une revue des règles sous-jacentes à chacun d’eux est pertinente.
Le contrat sur estimation : une plus grande protection pour le client
La conclusion d’un contrat sur estimation vise à mettre en place des barèmes quant au prix de la réalisation des travaux à effectuer : pour le client, il s’agira d’un « budget », alors que pour l’entrepreneur, il s’agira d’une fourchette de prix approximatifs qu’il s’engage à respecter pour la réalisation des travaux. Une estimation ne constitue pas en soi un contrat; c’est la conclusion subséquente d’un contrat conformément à l’estimation qui rendra celle-ci opposable à l’entrepreneur.
Ainsi, ce qui pourrait simplement s’apparenter à une façon pour l’entrepreneur de faire preuve de transparence et de gérer les attentes du client quant au prix des travaux projetés peut, en réalité, lier l’entrepreneur pour le futur et cristalliser les obligations des parties.
À cet effet, les propos tenus par l’auteur Me Guy Sarault dans son ouvrage « Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois » et rapportés à plusieurs reprises par les tribunaux québécois, s’avèrent fort pertinents : « Ainsi, [...] lorsque la preuve démontre que l’intention du donneur d’ouvrage n’était pas de donner carte blanche à l’entrepreneur pour le prix des travaux, mais de s’en tenir plutôt à un ordre de grandeur ou à un prix estimatif, on a plutôt affaire à un contrat sur estimation qui impose à l’entrepreneur l’obligation de justifier toute augmentation du prix au-delà de l’estimation discutée à l’origine, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un marché à prix majoré. »
Ceci étant dit, l’obligation pour un entrepreneur de se conformer à l’estimation en est une de moyens et non de résultat. L’entrepreneur bénéficie d’une marge d’erreur raisonnable entre le coût estimé et le coût réel des travaux et celui-ci pourra réclamer à son client les coûts excédentaires qui n’étaient pas prévisibles au moment de la conclusion du contrat, à condition d’être en mesure de prouver le caractère imprévisible de ces coûts et de dûment les justifier.
À noter que bien que certains entrepreneurs puissent être tentés d’inclure une clause au contrat qui viserait à empêcher qu’une estimation soit déterminante pour l’avenir de la relation contractuelle, les tribunaux ne sont jamais liés par une telle clause ou par la qualification que pourraient octroyer les parties à leur contrat, le point de mire des tribunaux étant la recherche de leur véritable intention lors de la conclusion de la convention.
À la lueur de ceci, en principe, lorsque le contrat est un contrat sur estimation, l’entrepreneur sera lié par cette estimation et devra absorber les dépassements de coûts pour les travaux, sauf si ceux-ci n’étaient pas raisonnablement prévisibles au moment de fournir l’estimation au client.
Le contrat de type « prix coûtant majoré » : une plus grande liberté pour l’entrepreneur
Lorsqu’un entrepreneur et son client décident de conclure un contrat de type « prix coûtant majoré », il ressort nécessairement de leur intention qu’il n’y ait aucune limite au prix afférent à la réalisation des travaux, tant que l’entrepreneur fasse rapport le plus fidèlement possible des coûts encourus au fur et à mesure de l’avancement des travaux, et ce, sur demande du client.
En présence d’un contrat de ce type, la question « un entrepreneur peut-il augmenter significativement les prix demandés pour les travaux réalisés? » ne se pose donc pas, puisqu’aucun prix n’est déterminé à l’avance pour la réalisation des travaux.
Toutefois, le devoir d’information et celui d’agir dans le meilleur intérêt du client qui incombent à un entrepreneur demeurent et sont d’autant plus importants lorsque le contrat conclu en est un de type « prix coûtant majoré ». En effet, dès le premier contact avec le client, l’entrepreneur doit tenir celui-ci informé des éléments qui pourraient influer sur le prix final des travaux, tels que les coûts des matériaux sur le marché actuel, et rendre compte des dépenses encourues, de celles qui devront être engagées et des prestations de service nécessaires à la réalisation des travaux dans leur ensemble. Ce devoir d’information incombe à l’entrepreneur tant que le contrat n’est pas encore conclu avec le client. Par la suite, une fois le contrat conclu et tout au long de la réalisation des travaux, il incombe au client qui souhaite connaître la progression des coûts des travaux de présenter des demandes à l’entrepreneur afin que ce dernier lui rende compte de l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus ainsi que des dépenses déjà encourues. Sur réception de chacune des demandes du client, l’entrepreneur a l’obligation d’y répondre le plus fidèlement possible. Ainsi, l’absence de demandes adressées par le client est synonyme d’absence d’obligation pour l’entrepreneur de lui faire rapport, l’envoi de factures détaillées et fidèles à la réalité étant suffisant.
À la lueur de notre analyse, nous concluons que le contrat sur estimation offre davantage de protection au client que le contrat de type « prix coûtant majoré » en ce qui a trait au coût des travaux, puisque le contrat de type « prix coûtant majoré » offre une plus grande latitude à l’entrepreneur qui se trouverait face à un projet empreint de facteurs d’incertitude et d’aléas.
Il est donc crucial pour un entrepreneur de bien saisir les enjeux entourant la détermination du contrat à intervenir, afin d’être en mesure de conclure des contrats qui soient le reflet des attentes respectives des parties et ainsi éviter de faire face à des dépassements de coûts qu’il devra lui-même absorber, faute d’avoir pris les précautions juridiques appropriées et qui s’imposent.
Pour toute question relative aux différents contrats de service dans l’exécution de travaux de construction, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en litige de construction qui se fera un plaisir de vous conseiller.
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