
Sommaires exécutifs 15 mars 2023
Administrateurs et dirigeants d’entreprises : quelle est votre responsabilité environnementale?
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Au Canada, et en particulier au Québec et en Ontario, le législateur a prévu dans les lois environnementales des dispositions qui imposent une responsabilité particulière aux administrateurs et dirigeants d’entreprises. Ces dernières traduisent la volonté du législateur d’augmenter la responsabilité et l’imputabilité personnelles de ces acteurs, au-delà de la responsabilité ordinaire des personnes morales ou autres entités dont ils sont administrateurs ou dirigeants.
Ces dispositions particulières font en sorte que les administrateurs et dirigeants d’entreprise sont dorénavant personnellement responsables, sur le plan pénal, et, le cas échéant, sur le plan civil et administratif, des décisions et agissements de la personne morale ou de l’entité qu’ils administrent ou dirigent.
Que dit le droit québécois?
C’est dans le droit de l’environnement québécois que l’on retrouve les dispositions les plus lourdes et étendues concernant la responsabilité environnementale des administrateurs et dirigeants.
En effet, par l’adoption de la loi 102 en 2022, le législateur a étendu à six lois environnementales les dispositions qui établissent une responsabilité pénale, civile et administrative à toute personne agissant comme administrateur ou dirigeant d’une entreprise. On retrouvait à l’origine ces dispositions, depuis 2011, seulement dans la Loi sur la qualité de l’environnement.
Le droit québécois se démarque du droit fédéral et de celui des autres provinces en codifiant une règle qui établit que l’administrateur ou le dirigeant d’une personne morale, d’une société ou d’une association au sens du Code civil, est présumé avoir commis lui-même une infraction de nature pénale qui aurait été commise par une personne morale, un agent, un mandataire ou un employé de celle-ci ou d’une société de personnes, ou d’une association non personnalisée. Le législateur a cependant pris soin de codifier le moyen de défense qu’il reconnait à l’administrateur et au dirigeant. Il peut ainsi présenter une preuve de diligence raisonnable démontrant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour prévenir la perpétration de l’infraction qui lui est reprochée.
Dans le cas d’une infraction commise par une société de personnes, tous les associés, à l’exception des commanditaires, sont présumés être les administrateurs de la société en l’absence de toute preuve contraire désignant la ou les personnes attitrées à la gestion des affaires de la société.
Depuis l’adoption de ce régime de responsabilité, les tribunaux ont reconnu la responsabilité pénale de plusieurs administrateurs et dirigeants de personnes morales qui étaient cependant, il faut le reconnaitre, des personnes morales de petite taille.
Le législateur québécois a également prévu une responsabilité civile pour l’administrateur ou le dirigeant d’une personne morale qui serait en défaut de payer une somme due au ministre comme :
- Une sanction administrative; et;
- Une somme dépensée par le ministre pour exécuter des travaux de décontamination aux frais d’une personne ou d’une entité responsable.
Ainsi, l’administrateur et le dirigeant sont solidairement tenus, avec les autres administrateurs et dirigeants de la personne morale et la personne morale elle-même, au paiement du montant dû à moins qu’ils n’établissent avoir fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement qui a donné lieu à cette dette d’argent.
Le législateur québécois a fait preuve d’imagination en établissant aussi une responsabilité administrative pour les administrateurs et dirigeants d’entreprises. En effet, le comportement « fautif » de l’un de ces acteurs peut permettre au ministre de prendre une décision administrative à l’égard de la personne morale telle :
- Un refus de délivrer, modifier ou renouveler une autorisation;
- L’imposition d’une modification; ou
- La suspension ou la révocation d’une autorisation et une opposition à la cession d’une autorisation à une nouvelle entité ou personne.
Les comportements présumés « fautifs » d’un administrateur ou d’un dirigeant peuvent être par exemple :
- La production d’une fausse déclaration ou d’un faux renseignement;
- La commission d’une infraction environnementale au cours des deux dernières années;
- La commission d’un acte criminel au cours des cinq dernières années; et
- Le non-respect d’une loi ou d’un règlement.
Si le ministre décide de prendre une des décisions administratives décrites ci-dessus, il doit donner un préavis de 15 jours avant de permettre la présentation « d’observations » par la personne visée. Il y a aussi un recours possible devant le Tribunal administratif du Québec.
En droit ontarien
Le législateur ontarien a, pour sa part, pris une approche différente en établissant, à l’article 194(1) de Loi sur la protection de l’environnement de l’Ontario, un devoir statutaire pour tout administrateur ou dirigeant d’exercer « toute la prudence raisonnable afin d’empêcher la personne morale de faire ce qui suit : », et le législateur énumère toute une série d’infractions possibles à la loi.
Tout administrateur ou dirigeant qui omet de s’acquitter de son devoir statutaire peut être poursuivi devant un tribunal de juridiction pénale. Pour se défendre, il lui incombe de prouver qu’il s’est acquitté de ses devoirs relativement à toute contravention commise par la personne morale dont il est l’administrateur ou le dirigeant.
Qu’en est-il du droit fédéral?
En droit fédéral, l’administrateur ou le dirigeant est régi par un régime de responsabilité pénale que l’on pourrait qualifier de « régime de première génération », puisqu’il a été établi en 1991 dans la Loi sur les pêches.
Ce dernier prévoit que l’administrateur, le dirigeant ou le mandataire qui a ordonné, autorisé, consenti ou participé à la commission d’une infraction est considéré comme un « coauteur » de celle-ci et encourt, sur déclaration de culpabilité, l’une des peines prévues par la loi.
Le législateur fédéral a codifié la défense de diligence raisonnable qui permet à l’administrateur ou au dirigeant d’échapper à une déclaration de culpabilité s’il établit qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la commission de l’infraction ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’innocenteraient.
Le législateur fédéral a inscrit, en 2005, dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, une obligation de « diligence voulue » qui soumet l’administrateur et le dirigeant d’une entreprise à un devoir positif de faire en sorte que la personne morale se conforme à la loi et aux règlements.
La loi prévoit que celui qui a exercé toute la « diligence voulue » pour empêcher la commission d’une infraction ne sera pas déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de cette démonstration incombe à l’administrateur ou au dirigeant poursuivi.
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