Sommaires exécutifs 14 mai 2020
Les organismes publics et parapublics pourront-ils réellement favoriser l’achat local?
Alors que les chamboulements causés par la COVID-19 se font durement sentir au sein de l’économie québécoise, les initiatives d’achat local sont plus que jamais encouragées. La prudence s’imposera toutefois pour les organismes publics et parapublics qui seront tentés d’adopter une stratégie d’approvisionnement de type « Panier Bleu », après la crise.
En effet, dans les dernières années les gouvernements du Québec et du Canada ont signé divers accords de libéralisation des marchés publics1, dont les dispositions ont été intégrées à Loi sur les contrats des organismes publics (« L.c.o.p. »). Cette loi détermine les conditions applicables en matière de contrats publics qu’un organisme public peut conclure avec un contractant. Parmi ces conditions se trouve le respect des accords intergouvernementaux qui visent à ouvrir les marchés et permettre à des soumissionnaires qualifiés de l’extérieur du Québec de participer aux appels d’offres des organismes publics.
Ainsi, dépendamment de la nature et de la valeur du contrat, il ne sera généralement pas permis pour un organisme public de favoriser les fournisseurs québécois.
Selon le cas, les appels d’offres devront être ouverts aux fournisseurs et entrepreneurs ayant un établissement au Canada, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et même dans l’Union européenne.
Quels sont ces « organismes publics »?
L’article 4 de la L.c.o.p. détermine quels organismes constituent des organismes publics au sens de cette loi. Un grand éventail d’organismes y sont assujettis, dont les ministères, commissions scolaires, collèges d’enseignement, universités, établissements publics au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ainsi que plusieurs filiales de ces organismes publics et même les entreprises et sociétés contrôlées par un organisme public.
Depuis 2019, par le truchement des articles 573 à 573.3.4. de la Loi sur les cités et villes (« LCV »)et des articles 935 et suivants du Code municipal, les municipalités sont également assujetties à plusieurs dispositions de la L.c.o.p.
Soulignons que certains organismes sont assimilés à des municipalités pour l’application des règles concernant l’octroi des contrats. Ce sera notamment le cas pour les organismes dont le conseil d’administration doit être composé majoritairement des membres d’un conseil d’une municipalité ou de membres nommés par une municipalité. De la même manière les organismes dont le budget est approuvé ou adopté par une municipalité ou encore, les organismes dont le financement est assuré pour plus de la moitié par des fonds provenant d’une municipalité, lorsque ses revenus annuels sont de plus de 1 000 000 $ sont assujettis à ces dispositions.
Les organismes paramunicipaux et même les OBNL affiliés à des villes devraient donc vérifier leur assujettissement à ces règles qui encadrent l’octroi de contrats avant d’adopter une stratégie d’approvisionnement dite locale.
Mentionnons d’ailleurs que ces organismes qui gravitent dans la sphère municipale et qui seront assimilés à des municipalités devront eux aussi se doter de politiques de gestion contractuelle, tout comme c’est maintenant le cas pour les municipalités.
Quels sont les contrats visés?
À l’heure actuelle le seuil d’appel d’offres public indexé est établi à 101 100 $2. Cela signifie que pour les contrats dont la valeur excède ce seuil, les organismes publics et les municipalités et autres organismes y étant assimilés doivent généralement procéder par appel d’offres et ne peuvent attribuer les contrats de gré à gré.
Si par ailleurs, le contrat se qualifie dans une catégorie de marché public visé par la L.c.o.p., la nature et la valeur du contrat détermineront le plafond à partir duquel il ne sera plus possible d’appliquer une discrimination territoriale à l’égard des soumissionnaires, soit de limiter le territoire de provenance des soumissions.
En effets, les différents accords de libre échange visent les trois catégories de marchés publics suivants :
- les contrats d’approvisionnement incluant les contrats d’achat ou de location de biens meubles, lesquels peuvent comporter des frais d’installation, de fonctionnement ou d’entretien des biens, dans la mesure où ils ne visent pas l’acquisition de biens destinés à être vendus ou revendus dans le commerce, ou à servir à la production ou à la fourniture de biens ou de services destinés à la vente ou à la revente dans le commerce;
- les contrats de travaux de construction visés par la Loi sur le bâtiment pour lesquels le contractant doit être titulaire de la licence requise en vertu du chapitre IV de cette loi;
- les contrats de services incluant dorénavant les services d’ingénierie et d’architectures.
Certaines exceptions s’appliquent dans chaque catégorie dépendamment des accords.
Retenons que pour les contrats entrant dans ces catégories dont la valeur de la dépense excède 101 100 $, il ne sera généralement pas possible de limiter les soumissions à celles provenant d’entrepreneurs et de fournisseurs québécois. Selon la nature du contrat et leur valeur, les soumissions en provenance du Canada, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de l’Union européenne devront être considérées par l’organisme public.
Notons qu’il est toutefois possible pour un organisme public, et dans certains cas déterminés par la L.c.o.p., de conclure un contrat de gré à gré lorsque le montant total du contrat est au-dessus des seuils d’appel d’offres public. En effet, l’article 13 de la L.c.o.p prévoit les cinq exceptions suivantes :
- situation d’urgence;
- un seul contractant n’est possible;
- question de nature confidentielle ou protégée;
- l’appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public;
- tout autre cas déterminé par règlement.
La présente crise causée par la COVID-19 pourrait donc justifier les organismes publics, les municipalités et autres organismes de conclure un contrat de gré à gré, même si le montant total du contrat est au-dessus des seuils d’appel d’offres en invoquant l’article 13 L.c.o.p., en autant que la situation puisse toujours être qualifiée d’urgente.
Soulignons au surplus que le décret 177-2020 du 13 mars 2020 déclarant l’urgence sanitaire prévoit que le gouvernement peut sans délai et sans formalité, pour protéger la santé de la population, faire les dépenses et conclure les contrats qu’il juge nécessaire. Le gouvernement peut donc conclure des contrats de gré à gré sans appel d’offres, tant et aussi longtemps que ce décret sera renouvelé par le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire, et ce, sans invoquer l’article 13 L.c.o.p. Cette mesure s’applique toutefois au gouvernement uniquement et non à tout organisme public.
En conséquence, les organismes publics et ceux qui doivent y être assimilés ont avantage à se renseigner sur leurs obligations à l’égard des contrats qu’ils entendent octroyer dans un contexte où plusieurs sont tentés de limiter le marché au Québec. Bien que louable, l’objectif d’approvisionnement local pourrait placer de tels organismes en contravention avec la loi. Les entrepreneurs et fournisseurs ont également avantage à connaitre ces règles qui influent directement sur leur concurrence.
Depuis 25 ans, la mission de BCF est d’appuyer les entreprises d’ici. Nous connaissons les enjeux auxquels vous faites face et notre équipe en droit administratif est disponible pour vous aider à utiliser les ressources à votre disposition. N’hésitez pas à nous contacter pour toute question relativement aux règles d’octroi des contrats des organismes publics et les politiques de gestion contractuelles.
1 L’Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et du Nouveau-Brunswick (« AQNB »), l’Accord de commerce et de coopération entre le Québec et l’Ontario (« ACCQO »), l’Accord de libre-échange canadien (« ALEC »), l’Accord économique et commercial global (« AECG ») entre le Canada et l’Union européenne.
2 Règlement décrétant le seuil de la dépense d'un contrat qui ne peut être adjugé qu'après une demande de soumissions publique, le délai minimal de réception des soumissions et le plafond de la dépense permettant de limiter le territoire de provenance de celles-ci, RLRQ, c. C-19, r. 5, art. 1.
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