Sommaires exécutifs 22 janv. 2019

La Commission des valeurs mobilières du Canada?

Depuis le 9 novembre 2018, c’est maintenant plus que jamais une possibilité. En effet, c’est à cette date que la Cour suprême du Canada a statué dans une décision unanime que le gouvernement fédéral avait bel et bien le pouvoir de mettre sur pied une commission pancanadienne des valeurs mobilières.

Ce jugement de la Cour suprême met donc fin à près d’une dizaine d’années de procédures et de tentatives diverses initiées par le gouvernement Harper suite à la crise financière de 2008. 

Un projet fédéral de longue haleine

La première mouture du projet avait effectivement été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême en décembre 2011 alors qu’elle qualifiait le projet fédéral « d’intrusion massive » dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières, celui-ci étant de compétence provinciale.

Que s’est-il donc passé depuis décembre 2011 et qu’est-ce qui explique que la Cour suprême autorise maintenant le gouvernement fédéral à aller de l’avant avec son projet? En un mot : la coopération.

En effet, contrairement à la première tentative du fédéral soumise à la Cour suprême en juin 2010 où le gouvernement Harper proposait de procéder unilatéralement à la création d’une commission pancanadienne des valeurs mobilières, le projet actuel est totalement coopératif, ce qui signifie que chaque province ou territoire peut décider ou non d’y participer. 

D’ailleurs, dans sa décision de décembre 2011, la Cour avait déjà suggéré une telle piste de solution en mentionnant qu’une « démarche coopérative qui, tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières, habiliterait le Parlement à traiter des enjeux véritablement nationaux ».

Jusqu’à maintenant, les six juridictions suivantes ont déjà officialisé leur participation au régime coopératif : la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Yukon. De plus, la Nouvelle-Écosse a récemment annoncé son intention d’y participer. Il est toutefois difficile d’imaginer un scénario dans lequel le Québec et l’Alberta décideraient de se joindre à ces juridictions dans l’élaboration d’un tel régime coopératif. En effet, les gouvernements provinciaux de ces deux provinces ont constamment résisté aux tentatives du gouvernement fédéral ayant pour but de créer une autorité nationale dans le domaine des valeurs mobilières. Il est important à ce stade-ci de rappeler que cette idée de créer une autorité nationale en valeurs mobilières n’est pas nouvelle et des discussions en ce sens ont eu lieu à différents niveaux depuis des décennies.

Au Canada, le système actuel est composé de 13 juridictions différentes où chaque province et territoire dispose de sa propre réglementation et de sa propre autorité en valeurs mobilières. Les partisans du projet de régime coopératif se plaisent d’ailleurs à répéter que le Canada est présentement le seul pays du G20 ne disposant pas d’une autorité nationale en valeurs mobilières, comme par exemple les États-Unis où la « Securities and Exchange Commission » a juridiction sur l’ensemble du pays. Ceux-ci oublient toutefois de mentionner que le système canadien actuel a atteint un niveau d’uniformisation et d’efficacité inégalé dans notre histoire. Mentionnons uniquement l’élaboration du régime de passeport permettant par exemple à un émetteur qui dépose un prospectus dans chacune des provinces du pays de pouvoir procéder à un tel placement tout en ne traitant qu’avec l’autorité en valeurs mobilières de sa propre juridiction. 

Qu’à cela ne tienne, les objectifs poursuivis par les partisans du régime coopératif sont surtout reliés à des questions touchant l’harmonisation et l’efficacité, ce régime coopératif permettant la mise en place d’un seul régime national en valeurs mobilières devant être supervisé par un conseil des ministres des Finances fédéraux et provinciaux.

Retour sur le jugement de la Cour suprême du Canada

Dans son renvoi du 9 novembre 2018, la Cour suprême du Canada devait répondre à deux questions bien précises, soit : 

1. La constitution du Canada autorise-t-elle la mise en place d’un régime coopératif sous la gouvernance d’un organisme unique chargé de sa mise en œuvre?

2. Le projet de loi intitulé La loi sur la stabilité des marchés des capitaux excède-t-il la compétence du parlement canadien en matière de commerce selon la Loi constitutionnelle de 1867?

En répondant par l’affirmative à la première question, la Cour a mentionné qu’étant donné qu’il s’agissait d’un système coopératif dans lequel chaque province et territoire conserve le droit de participer ou non au régime : « Nous concluons que le régime coopératif n’entrave pas indûment la souveraineté des législatures, pas plus qu’il ne comporte une délégation inacceptable de légiférer ». 

Pour ce qui est de la deuxième question, la Cour y a répondu négativement en mentionnant dans un premier temps : « Nous estimons que l’objet de l’ébauche de la loi fédérale relève du volet général de la compétence du Parlement en matière de trafic et de commerce conférée par le paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 ». De plus, la Cour a ajouté : « Si l’on considère l’ébauche de la loi fédérale dans son ensemble, il est clair que son caractère véritable n’est pas, comme l’affirme le Québec, la réglementation du commerce des valeurs mobilières en général. L’objet de l’ébauche de la loi fédérale concorde plutôt avec ses objectifs énoncés, soit de promouvoir et de protéger la stabilité du système financier canadien par la gestion des risques systémiques liés (aux marchés de capitaux) et de protéger notamment ces marchés et les investisseurs contre les crimes financiers ».

Qu’entrevoit-on pour la suite?

En conclusion, à quoi peut-on maintenant s’attendre au cours des prochains mois? Ceci est évidemment une question davantage de nature politique que légale. Étant donné les multiples changements de gouvernement (tant au niveau fédéral que provincial) intervenus depuis l’élaboration du projet actuel, il n’est pas facile de déterminer exactement où se situera cette question dans l’ensemble des priorités gouvernementales de ces multiples législatures, sans compter que des élections fédérales auront lieu d’ici la fin de l’année 2019. À suivre...

 

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