Sommaires exécutifs 22 janv. 2019

Le financement public dans l’industrie du cannabis

Les marchés financiers dans l’industrie du cannabis sont depuis un certain temps en émergence, notamment depuis la légalisation du cannabis à des fins récréatives l’automne dernier.

En effet, 145 entreprises canadiennes (environ 10 québécoises) sont actuellement détentrices d’une licence émise par Santé Canada aux fins de cultiver, transformer ou vendre du cannabis et, de ce nombre, une grande partie d’entre elles financent leur projet et leurs besoins de capitaux par la vente d’actions au grand public par voie d’appel public à l’épargne (PAPE), soit l’inscription à la cote d’une bourse. 

À cet effet, 1,2 milliard de dollars en capitaux au Canada au cours du premier trimestre de l’année 2018 sont liés à l’industrie du cannabis et ont été obtenus par des détenteurs de licences de cannabis inscrits à la cote de bourses [1].

Les grands producteurs de cannabis canadiens autorisés par Santé Canada, tels que Aurora Cannabis, Hexo, Canopy Growth Corporation, Apria ou CanTrust Holdings, sont notamment inscrits à la bourse de Toronto (TSX). Certains producteurs sont quant à eux inscrits à la bourse de New York au New York Stock Exchange (NYSE) et d’autres, tel que Cronos Group inc., désirant accéder à des capitaux américains, se sont récemment inscrits au National Association of Securities Dealers Automated Quotations (NASDAQ), et ce, malgré que le cadre réglementaire aux États-Unis demeure incertain pour les entreprises de cannabis. En effet, le cannabis demeure illégal aux États-Unis au niveau fédéral, ainsi qu’à l’égard de 40 états qui n’ont pas légalisé le cannabis à des fins récréatives, mais dont 33 états ont toutefois accepté la légalisation à des fins médicales. 

Plusieurs entreprises canadiennes dans ce secteur d’activités, soit plus d’une soixantaine à l’heure actuelle, incluant des entreprises américaines, tel que Green Thumb Industries inc., pour lesquelles le capital est encore difficile d’accès aux États-Unis, se tournent vers le Canadian Securities Exchange (CSE). Cette bourse accepte les demandes d’inscriptions d’entreprises ne détenant pas encore leur licence, mais ayant déposé leur demande auprès de Santé Canada. Le CSE constitue un marché alternatif dont les exigences relatives aux déclarations d’informations par les émetteurs sont simplifiées et les obstacles aux fins de l’inscription sont plus faciles à surmonter pour les entreprises en démarrage du secteur du cannabis.

Les apports en capitaux aux fins de financer les entreprises de l’industrie du cannabis sont très élevés, notamment en raison des coûts liés à la préparation d’une demande de licence (frais comptables, consultants, frais légaux, etc.), des coûts liés à l’acquisition des terrains, à la construction des serres, à l’achat des équipements, à la rétention de personnel qualifié et à la mise en place de systèmes de sécurité. Toutefois, de tels capitaux demeurent difficiles à obtenir pour ces entreprises, et ce, pour divers motifs, dont notamment la réticence encore à ce jour par plusieurs prêteurs traditionnels à financer ce secteur d’activités qui sont soucieux de la perception négative du public des institutions financières qui soutiennent l’industrie du cannabis. Aussi, telle que mentionnée précédemment, l’incertitude réglementaire aux États-Unis constitue pour plusieurs investisseurs un frein à l’achat d’actions dans une entreprise opérant dans ce secteur en raison du risque d’être considéré par les autorités américaines comme un étranger inadmissible et banni à vie de ce pays lors d’un passage transfrontalier puisqu’ayant des intérêts financiers dans cette industrie. 

Ainsi, depuis la légalisation, les entreprises du cannabis ont fait appel en majorité au marché public, à titre de stratégie de financement, étant donné le manque de capitaux privés, pour ainsi contourner la problématique liée à la quasi-impossibilité d’emprunter auprès des prêteurs traditionnels.

L’appel public à l’épargne (PAPE)

Ce mode de financement a permis, et ce, depuis la légalisation au Canada du cannabis à des fins médicales en 2001, à de nombreuses entreprises de cette industrie d’obtenir des capitaux auprès du public. Cela signifie toutefois que l’entreprise qui s’introduit en bourse devient un émetteur assujetti aux exigences des commissions des valeurs mobilières compétentes. En plus de permettre l’obtention de capitaux, l’appel public à l’épargne (PAPE) peut constituer un avantage puisqu’il permet aux entreprises d’attirer l’attention des médias et du public pour ainsi mieux se faire connaitre et potentiellement renforcer leurs marques de commerce. À noter toutefois que la Loi sur le cannabis est plutôt restrictive quant au choix d’une marque et qu’il a lieu de bien s’informer au préalable. Devenir une société publique peut également être une stratégie de levier financier puisque l’entreprise doit démontrer sa solidité financière et fournir de l’information continue à l’égard de sa performance, ce qui peut faciliter les fusions et acquisitions. 

Bien qu’attrayant pour les entreprises de l’industrie du cannabis, ce mode de financement peut être long, risqué et coûteux, demande de la préparation et nécessite une gouvernance forte et structurée. Les règles d’admission, les exigences à satisfaire de façon continue, le contexte réglementaire, l’accès au marché et les conditions d’admission en bourse ne sont pas les mêmes pour chacune des bourses, ce qui requiert un travail important d’analyse de ces divers éléments au préalable. Aussi, lorsqu’une société devient ouverte, les dirigeants sont soumis au public, soit à l’examen des actionnaires et des autorités en valeurs mobilières, et celle-ci doit notamment fournir et produire des rapports trimestriels, des états financiers, des rapports de gestion, une notice annuelle, une déclaration de changement, etc., le tout en vertu de la réglementation applicable. Plusieurs étapes doivent être franchies aux fins de la mise place d’un appel public à l’épargne (PAPE), dont la préparation et le dépôt auprès des autorités en valeurs mobilières d’un prospectus visant à fournir aux investisseurs potentiels des renseignements détaillés à l’égard de l’entreprise, incluant les facteurs de risques liés à celle-ci et son secteur d’activités, ainsi que le dépôt d’une demande d’inscription à la cote d’une bourse, lesquelles nécessitent d’énormes ressources.

La préparation d’un prospectus s’échelonne sur une période importante de temps et une fois complété, le prospectus doit être déposé auprès d’une bourse, auprès de l’autorité en valeurs mobilières de sa province et auprès des autorités où les titres sont éventuellement offerts. Suivant l’analyse du prospectus et les corrections apportées à la satisfaction des autorités en valeurs mobilières, la société peut déposer le prospectus pour ensuite vendre ses actions dans les provinces où l’entreprise est autorisée. 

Bien qu’elle soit une source de financement appréciable et fortement prisée en raison du contexte particulier de l’industrie du cannabis, l’inscription en bourse est un processus coûteux tant en énergie qu’en ressources financières et la reddition de compte aux investisseurs, aux courtiers et aux autorités en valeurs mobilières est contraignante et continue. Il est ainsi essentiel pour une entreprise opérant dans le secteur du cannabis de s’entourer de ressources compétentes aux fins de la mise en place de ce mode de financement afin d’être bien accompagnée pour ainsi respecter les exigences élevées dont les sociétés ouvertes sont assujetties, et ce, à l’intérieur du cadre légal applicable au cannabis.

 

Pour en savoir davantage sur le financement public, inscrivez-vous à notre Forum stratégique sur le financement d’entreprises qui se tiendra le mardi 19 février 2019 à Montréal et à Québec.

[1] Alan Brochstein « Canadian Cannabis Stocks Wieghted Down By Capital Raises And New Issues » Forbes.com.