Sommaires exécutifs 27 avr. 2020
COVID-19 : à l’aube du déconfinement, les conseils d’administration doivent être proactifs et impliqués
Les sociétés québécoises doivent s’assurer de garder le cap, malgré la tempête qu’elles traversent. À l’aube d’un possible déconfinement et d’une reprise des activités, de nouveaux enjeux se pointent à l’horizon, visant particulièrement les conseils d’administration et leurs administrateurs.
La pandémie qui sévit actuellement frappe notre monde de plein fouet. La situation est exceptionnelle : la planète entière traverse une crise sanitaire, l’économie mondiale est en pause et les fondements mêmes de nos sociétés sont affectés par la COVID-19.
Bien que l’histoire nous fournisse certains exemples de crises majeures (sanitaires, humanitaires ou économiques), la situation à laquelle nous faisons face est unique et sans précédent. Début avril 2020, selon différentes sources :
- 3,9 milliards d’individus dans le monde sont en confinement obligatoire ou recommandé;
- 7,1 milliards d’individus vivent dans des pays qui imposent des restrictions sur le passage de leur frontière; et
- les coûts économiques de la pandémie sont estimés à plus de 4 000 milliards de dollars US.
Ce choc des événements est susceptible de provoquer son lot de bouleversements pour les sociétés québécoises; elles devront s’assurer de garder le cap, malgré la tempête qu’elles traversent. À l’aube d’un possible déconfinement et d’une reprise des activités qui ne sera en rien comparable au cours normal des affaires, de nouveaux enjeux se pointent à l’horizon. En voici quelques-uns visant particulièrement les conseils d’administration et leurs administrateurs, avec d’abord un bref rappel du rôle du conseil.
Le rôle du conseil d’administration
Le rôle du conseil est généralement bien connu. Le conseil participe notamment à l’élaboration des orientations stratégiques de la société et il encadre et supervise la gestion des activités et des affaires internes de la société. Pour ce faire, il délègue couramment à des administrateurs, des dirigeants et des comités du conseil certains de ses pouvoirs, d’où son rôle de supervision une fois ces pouvoirs délégués. Règle générale, plus la situation sort du cours normal des affaires et plus le conseil voudra suivre la situation de près.
Dans l’exercice de son rôle et de ses fonctions, le conseil a l’obligation d’agir dans l’intérêt de la société. Bien que cette obligation en droit canadien ne change pas si la société risque de devenir insolvable (comme c’est le cas dans d’autres juridictions), il n’en demeure pas moins que le concept d’intérêt de la société requiert de nos conseils d’administration, en ces temps de bouleversements et d’incertitudes, une approche élargie et une remise en question des façons de faire.
À crise exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Cela est vrai non seulement de nos gouvernements, mais également des sociétés et de leurs conseils d’administration. Plus que jamais, le conseil doit être proactif et impliqué. Voici certaines suggestions :
1. Soyez un exemple pour toute l’organisation. En temps de crise, on doit tirer le meilleur de chacun.
2. Adoptez un plan de contingence. Ce plan doit vous aider à évaluer les menaces et les enjeux ainsi qu’à gérer la situation actuelle. Il doit inclure un plan d’action contenant des mesures robustes non seulement pour protéger les employés, mais aussi toute personne faisant affaires avec la société ou faisant partie de son environnement. Adoptez un échéancier avec des objectifs spécifiques, tout en réévaluant fréquemment votre plan de contingence.
3. Créez un comité de gestion de crise et assurez-vous qu’il puisse agir de façon avisée et efficace.Celui-ci doit faire preuve d’agilité et de maniabilité.
4. N’hésitez pas à assumer un plus grand rôle et à intervenir directement, particulièrement si cela peut aider la direction en poste. Augmentez la fréquence des réunions et des interventions du conseil (par téléphone ou par vidéoconférence, si possible). Restez bien informé.
5. Assurez-vous d’un suivi serré de toutes les activités, des finances, des budgets, de la trésorerie, etc.
6. N’hésitez pas à prendre des décisions, même si elles sont difficiles, et surtout prenez ces décisions en temps opportun.
7. Tenez compte des impacts réels et appréhendés de la pandémie sur votre société. Établissez des hypothèses raisonnables et adaptées à l’environnement particulier dans lequel votre société évolue. Chaque société sera affectée de façon différente.
8. Planifiez en fonction de plusieurs scénarios possibles. Plusieurs facteurs, outre le secteur d’activités de la société, comme le fait qu’elle puisse ou non poursuivre ses activités et qu’elle offre des biens ou services essentiels ou faisant partie de la chaine d’approvisionnement, auront un impact sur la façon de gérer la crise et la sortie de crise.
9. Plus que jamais, une constante demeure : celle du changement. Remettez en question les façons de faire des différentes activités à l’intérieur de la société. Rien ne doit être tenu pour acquis. Remettez en question les décisions : ce qui semblait bon hier ne l’est peut-être plus aujourd’hui (comme nos autorités sanitaires nous l’ont admis en toute humilité).
10. Insistez sur l’importance des communications. Comme premier gardien du plan de communication, le conseil devrait notamment s’assurer de l’uniformité de toute communication, en gardant en tête que plusieurs naviguent dans l’inconnu et que les répercussions de la COVID-19 peuvent rapidement apporter avec elles leur lot d’inquiétudes.
11. Soyez transparent avec les employés, les clients, les fournisseurs, les prêteurs, etc. Vous aurez besoin de leur support.
12. Identifiez les risques pour la société, mais recherchez aussi les opportunités.
13. Posez-vous les bonnes questions en ce contexte de changement comme le suggère le professeur agrégé de la faculté de droit de l’Université Laval, Ivan Tchotourian. Plusieurs articles ont été publiés sur les bonnes pratiques et les bonnes questions à poser dans le contexte de la pandémie. D’un point de vue légal, nous pouvons penser aux questions suivantes :
- Les mesures de santé et sécurité ont-elles été revues en profondeur? Le défaut ou la lenteur à mettre en place des mesures de protection robustes adaptées à la nouvelle réalité représente un risque important de responsabilité pour la société et ses administrateurs. Nous vous invitons d’ailleurs à visionner en rediffusion notre plus récent webinaire sur le sujet.
- Les lois et les évolutions règlementaires en réponse à la COVID-19 sont-elles suivies par la société?
- Quelles sont les conséquences à l’égard des employés? Des actionnaires? Des prêteurs?
- Quelles sont les conséquences sur les circuits de distribution et sur les clients?
- Est-ce que, considérant la démobilisation des employés en télétravail, les mesures appropriées sont prises en matière de cybersécurité? À ce sujet, consultez cet article sur la stratégie de protection des données en temps de crise.
Le conseil doit planifier la sortie de crise et la relance à l’aube du déconfinement. Bien que la relance des activités entraîne, pour les sociétés, des enjeux tout aussi complexes que la période de confinement elle-même, elle présente également des opportunités que le conseil et la société ont intérêt à saisir.
La responsabilité de l’administrateur
Comme principe général, les administrateurs et dirigeants ne sont pas personnellement responsables des dettes et obligations de leur société. Plusieurs exceptions à ce principe sont toutefois prévues dans les lois statutaires et d’application générale. Les conseils sont généralement bien au fait de ces exceptions et plusieurs mesures de gouvernance existent pour gérer ces enjeux comme la diligence raisonnable, la remise d’un certificat ou d’une attestation de la direction sur le respect des lois statutaires et la souscription d’une assurance responsabilité administrateurs et dirigeants.
Au Québec, les administrateurs d’une société ont deux devoirs principaux : (i) le devoir de diligence, et (ii) le devoir de loyauté. À ces devoirs s’ajoutent plusieurs dispositions statutaires découlant notamment des lois en matière d’environnement, de santé et sécurité au travail et fiscales. La loi constitutive de la société et ses règlements généraux seront également source d’obligations pour les administrateurs.
Diligence
Suivant cette obligation, les administrateurs doivent faire preuve de prudence et de diligence, tout en usant de la compétence d’une personne raisonnablement prudente. Ainsi, les administrateurs devront agir de manière informée et prudente, selon les circonstances de chaque situation. Une bonne planification de la crise et de la sortie de crise incluant l’adoption de mesures et d’actions appropriées et en temps opportun aidera à s'acquitter de cette obligation.
Loyauté
Conformément à l’obligation de loyauté, les administrateurs doivent agir honnêtement et de bonne foi, dans l’intérêt premier de la société. Une tendance jurisprudentielle est à l’effet qu’en agissant conformément à l’obligation de loyauté envers la société, les administrateurs peuvent aussi considérer les intérêts de toutes les parties prenantes, ce qui inclut notamment les actionnaires, les employés, les créanciers, les clients, l’environnement et les gouvernements. Il est pertinent de se demander si la réalité post-pandémie ne fera que renforcer les attentes de ces parties prenantes.
Le piège du gel de la prise de décisions
L’administrateur avisé ne devrait pas s’abstenir de participer à une prise de décision en succombant à la peur de prendre une mauvaise décision susceptible d’engager sa responsabilité personnelle. Bien que les décisions prises ne produisent pas toujours le résultat escompté, les administrateurs d’une société n’engageront pas leur responsabilité personnelle dans la mesure où ces décisions sont raisonnables et justifiables au moment où elles sont prises, compte tenu du contexte. Ici, ce n’est pas la perfection qui est exigée de la part des administrateurs, mais plutôt de faire preuve d’un degré de prudence approprié, ainsi que la diligence nécessaire pour parvenir à une décision commerciale raisonnable. Cette règle de l’appréciation commerciale élaborée par les tribunaux exige que les décisions soient prises sans conflit d’intérêt, de manière éclairée et de bonne foi. Une présomption à l’effet qu’une décision fondée, de bonne foi, sur l’opinion d’un dirigeant, d’un comité du conseil d’administration fiable et compétent de la société ou d’un expert satisfera l’obligation de prudence et de diligence de l’administrateur.
Les administrateurs conscients de la situation actuelle se protégeront, non seulement en respectant leurs devoirs et en assumant leurs obligations, mais aussi en ayant recours à certains instruments pour documenter le processus décisionnel et la base sur laquelle les décisions ont été prises. Ainsi, il est important d’être rigoureux avec l’ordre du jour et les procès-verbaux et ne pas hésiter à s’appuyer sur l’opinion d’experts. Il serait justifié de revoir le contenu et la fréquence du certificat ou de l’attestation de la direction sur le respect des lois statutaires et autres ainsi que la couverture de la police d’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants. Finalement l’administrateur devrait également consigner sa dissidence s’il est en désaccord avec une décision du conseil.
Les opportunités à saisir
La crise actuelle laissera sa marque dans l’histoire et les façons de faire en seront nécessairement changées. Lorsque la crise sera derrière nous, il sera temps pour le conseil de faire le bilan et d’en tirer des leçons. Celles-ci devront être adéquatement appliquées pour la suite des choses et il est fort à parier que des opportunités d’affaires feront leur apparition. Une fois de plus, il sera du ressort du conseil d’administration et de ses administrateurs de saisir ces occasions favorables et de consolider ce qui aura été appris durant la tourmente.
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