Sommaires exécutifs 2 avr. 2019

Comment les agriculteurs peuvent-ils éviter les répercussions négatives des lois sur l’insolvabilité?

Dans une volonté politique d’offrir un soutien aux agriculteurs en difficulté, a été adoptée il y a plus de 20 ans une loi reconnaissant les embarras financiers des agriculteurs et leur offrant un remède à une situation difficile. Cette logique de protection est-elle toujours d’actualité dans le contexte actuel?

La Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole (ci-dessous la « Loi ») a pour objectif principal de donner « une bouffée d’oxygène » aux agriculteurs en difficulté en leur offrant le droit à la suspension des recours de leurs créanciers sur leurs biens et le droit de demander une médiation avec ceux-ci afin d’essayer de remédier à leurs difficultés financières. 

Il s’agit de « permettre à un agriculteur de continuer ses opérations tout en profitant d’une période de grâce pour conclure une entente avec ses créanciers avec l’aide d’un comité d’experts agissant comme conciliateur » [1].

La Loi est donc structurée de façon à ce que l’agriculteur, lorsqu’il est admissible au régime de cette loi, puisse obtenir conseils et remédier à une situation financière difficile, mais temporaire. 

Quels agriculteurs sont admissibles?

L’agriculteur ne peut présenter une demande de médiation que dans l’un ou l’autre des cas suivants:

  • il est incapable de s’acquitter de ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;
  • il a cessé de s’acquitter de ses obligations courantes dans le cours ordinaire de ses affaires au fur et à mesure de leur échéance; ou
  • la totalité de ses biens n’est pas suffisante, d’après une juste estimation, ou ne suffirait pas, s’il en était disposé lors d’une vente régulièrement effectuée par autorité de justice pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir.

Suspension des recours des créanciers

Ainsi, tout agriculteur dans l’une de ses trois situations aurait le droit de demander la suspension des recours de ses créanciers contre lui, l’examen de sa situation financière et la médiation entre lui et ses créanciers en vue de la conclusion d’un arrangement acceptable pour les parties. 

Voici ce que les créanciers devraient savoir sur ce régime d’exception:

  • Tous les créanciers sont visés par cette suspension des recours incluant les créanciers garantis.
  • La période minimale pendant laquelle les créanciers – quels qu’ils soient – ne peuvent agir est de 30 jours. Un délai supplémentaire pouvant aller jusqu’à 90 jours peut être prononcé.
  • La suspension interrompt les effets de toute procédure, y compris une requête en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice contre l’agriculteur lorsqu’un avis de suspension des recours est délivré.
  • Le créancier est dans l’impossibilité de faire valoir ses droits et même d’exiger sa créance. 
  • Tout acte fait par le créancier en violation de cette suspension est nul et l’agriculteur touché peut engager contre ce créancier, devant un tribunal compétent, toute procédure indiquée en l’occurrence. 

Trouver un compromis pour une bouffée d’oxygène

Une fois le processus de médiation enclenché, le médiateur examine le rapport financier de l’agriculteur et rencontre les personnes visées par la médiation, à savoir l’agriculteur et ses créanciers (garantis ou non garantis, selon le cas). Encore une fois, parce qu’il agit de manière impartiale, le médiateur ne peut conseiller les parties en présence. 

Contrat-compromis et contrat liant

L’arrangement est le but ultime de la Loi: trouver un compromis afin de fournir à l’agriculteur admissible une « bouffée d’oxygène ». C’est avant tout un contrat conclu entre l’agriculteur et ses créanciers, sur une base volontaire, afin d’assainir la situation financière de l’agriculteur.

Parce que le compromis se fonde sur la volonté des parties, il faut que tous les créanciers visés soient avisés de l’existence même d’un tel arrangement, sinon ils ne peuvent être liés. 

Qu’en est-il de la pratique? 

L’objectif derrière la Loi est d’offrir un mécanisme par lequel les agriculteurs insolvables et leurs créanciers peuvent tenter de conclure des arrangements qui sauront satisfaire toutes les parties, au sujet des dettes et des obligations des agriculteurs. 

La réussite de cet objectif repose principalement sur une coopération des parties en présence, plus particulièrement les créanciers, qui doivent concilier leurs attentes avec les capacités financières de l’agriculteur. Toutefois, certaines brèches risquent d’annuler l’effet positif d’une conciliation recherchée par cette loi.

La pratique révèle que les agriculteurs font malheureusement trop souvent appel au service de médiation lorsque la situation est à un point de non-retour. La relation de confiance avec leurs créanciers, particulièrement leur institution financière ou leur prêteur court terme sans l’appui de qui la survie de leur entreprise peut être mise en péril, à la sortie de la protection du service de médiation. 

Autant que l’agriculteur, ses créanciers fournisseurs dépendent des liquidités disponibles à l’agriculteur. Si ce dernier ne peut compter sur le support financier de son prêteur dit court terme, le succès de son plan de redressement n’est pas assuré. 

Ainsi, l’administrateur ou l’expert mandaté aurait tout avantage dans les premières démarches de son administration à rencontrer les prêteurs court et même long termes afin de discuter des difficultés et surtout des avenues de solutions qui éviteraient que ces prêteurs ne demandent tout simplement paiement à la sortie de la période de suspension.

Pour en savoir davantage sur la médiation agricole, n’hésitez pas à communiquer avec Claude Paquet, associé et avocat en litige bancaire.

 

[1] Corp. Les Produits de la Jardinière c. Banque Nationale du Canada, [1996] A.C.F. no 460.

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