Sommaires exécutifs 1 avr. 2020

COVID-19 : la pandémie aura-t-elle réellement un impact sur vos contrats?

Face à l’éclosion mondiale de la maladie COVID-19, une question se pose: quelles sont les implications juridiques d’une clause prévoyant la force majeure dans vos contrats ou lorsque votre contrat est silencieux à cet égard?

Comme expliqué dans notre dernier article sur la force majeure, il semble évident que la pandémie de la COVID-19 aura un impact considérable sur les opérations des entreprises canadiennes et sur les mesures que celles-ci devront prendre pour répondre à ces répercussions. Invoquer la notion de  force majeure peut faire partie des moyens d’exonérations sur lesquels celles-ci devraient se pencher.

Comment s’apprécie la notion de force majeure?

La notion de force majeure est un moyen d’exonération de responsabilité prévu à l’article 1470 du Code civil du QuébecC.c.Q. ») qui peut être invoqué qu’il soit prévu ou non à votre contrat. Lorsqu’applicable, la force majeure permet au débiteur d’une obligation de justifier le report ou l’annulation de son obligation en raison d’un élément extérieur. Puisqu’en général les parties se doivent d’exécuter leurs obligations complètement et sans retard, la force majeure ne peut être invoquée que dans des circonstances exceptionnelles. Elle est donc interprétée et appliquée de manière restrictive par les tribunaux.

Afin que ce moyen de défense puisse être invoqué avec succès, l’événement en cause doit respecter trois critères cumulatifs :

  • être « imprévisible », ce qui signifie qu’il n’était pas prévisible pour une personne prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances, dans le cas;
  • être « irrésistible ». En d’autres mots, qu’il est impossible d’exécuter en tout ou en partie l’obligation. Ainsi, le fait qu’une situation rende une obligation simplement plus difficile ou plus onéreuse à réaliser ne permet pas d’invoquer la force majeure;
  • ne pas être dû à une faute, une négligence ou un fait qui est imputable au débiteur, mais bien indépendant de sa volonté, pour respecter le critère « d’extériorité ».

Par ailleurs, la notion de force majeure n’est pas d’ordre public de sorte que les parties à un contrat peuvent négocier et moduler sa portée. Il est donc primordial de se référer aux clauses prévues dans le libellé propre à chaque contrat afin de vérifier la présence de telles dispositions et leurs portées.

Quel est l’effet d’un événement de force majeure?

Selon l’article 1693 C.c.Q, il revient au débiteur de l’obligation de faire la preuve de la force majeure. Selon cette disposition, le débiteur peut être libéré de son obligation lorsque survient un événement qualifié de force majeure. Cette constatation prévaut également dans une situation où le créancier n’aurait pu «bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison de cette force majeure ».

Le débiteur n’a donc pas à exécuter une prestation de remplacement ou réparer le préjudice qui découle de cette inexécution. La libération peut être totale, lorsque l’exécution s’avère impossible de manière absolue et définitive, ou partielle, lorsqu’une partie de la prestation a pu être exécutée.

L’impossibilité d’agir peut également être temporaire ce qui a alors pour effet de suspendre l’exécution des obligations du débiteur. On pense notamment à certains spectacles qui ont été annulés en raison des directives gouvernementales liées à la COVID-19 et qui pourraient (si les circonstances le permettent) avoir lieu plus tard dans l’année, ou encore, des délais additionnels encourus pour la production ou livraison de certaines marchandises d’un fournisseur au distributeur.

Dans un tel cas et si les circonstances s’y prêtent, la force majeure pourrait occasionner la suspension de l’exécution de l’obligation (la prestation) et pourrait libérer le débiteur de sa responsabilité face au retard, et ce, sans qu’il soit possible au créancier d’obtenir des dommages-intérêts. Par contre, le débiteur doit reprendre l’exécution de son obligation lorsque l’événement qui a occasionné la suspension de la prestation prend fin. On peut ici penser notamment au moment à partir duquel les mesures sanitaires actuelles seront levées.

D’ailleurs, la jurisprudence est claire quant au fait que la force majeure n’écarte pas le devoir du débiteur et du créancier d’agir de bonne foi et de mitiger leurs dommages. Il est donc important qu’ils prennent toutes les mesures raisonnables à leur disposition afin de limiter l’ampleur de leur préjudice même dans un cas de force majeure.

La pandémie de la COVID-19 constitue-t-elle une force majeure en droit civil?

La qualification d’un événement particulier de force majeure est laissée à l’appréciation des tribunaux, notamment lorsque les « pandémie(s) » ou « épidémie(s) » ne sont pas prévues de manière expresse dans une clause spécifique d’exonération de responsabilité au contrat en question (clause de force majeure).

Il s’agit d’une analyse au cas par cas, tributaire du degré et de la gravité de l’événement.

Les décrets de l’état d’urgence, plus particulièrement l’Arrêté numéro 2020-008 de la ministre de la Santé et des services sociaux du Québec du 22 mars 2020 ordonnant la fermeture des entreprises non essentielles, pourraient constituer selon nous un événement fortuit imprévisible qui ne découle pas des actes des parties.

Encore faut-il analyser si cet événement mène à une impossibilité absolue ou partielle pour le débiteur de remplir l’obligation dont il espère être exonéré. Il s’agira donc de procéder à une analyse au cas par cas en fonction de l’évolution de la situation.

Ainsi, bien que l’éclosion de la maladie COVID-19 semble de prime abord un événement qu’on pourrait qualifier de « force majeure » puisqu’elle semble respecter les critères « d’imprévisibilité »,« d’irrésistibilité » et « d’extériorité », il est difficile de déterminer actuellement dans quels cas ou circonstances la COVID-19 sera admise comme moyen d’exonération de responsabilité.

Qu’arrive-t-il si mon contrat prévoit une clause de force majeure?

Chaque partie contractante à un contrat consensuel régi par le droit civil québécois devra analyser les droits et obligations contractuelles qui en découlent, plus précisément à l’égard des situations ou événements pouvant être englobés dans la notion de force majeure. Une analyse particulière de chaque contrat s’avère nécessaire afin de déterminer si une partie peut, dans les faits, selon son contrat, être exemptée d’exécuter les obligations qui lui incombent dans l’état actuel de la pandémie mondiale de la COVID-19.

Nous notons que nombreux sont les contrats qui prévoient une définition et une liste limitative des circonstances ou événements pouvant être considérés comme une force majeure et ainsi justifier l’inexécution de l’obligation. Par exemple, les notions spécifiques de « pandémie » ou d’« épidémie » peuvent être stipulées. Dans une telle circonstance, un mécanisme d’avis sera normalement prévu afin de permettre à une partie contractante d’informer l’autre partie de son intention de ne pas exécuter une obligation corrélative, et ce, dans le cadre d’un délai qui est précisé par le contrat lui-même. Il faudra donc que ce premier soit particulièrement attentif à ce délai et tente autant que possible de le respecter.

Nous suggérons donc une lecture attentive de tout contrat en cours, comme l’explique notre collègue Dominique Babin, dans son dernier article.

Qu’arrive-t-il si un contrat est silencieux à l’égard de la force majeure ou si aucun contrat écrit n’existe entre les parties?

La notion de force majeure est une cause légale d’exonération de responsabilité tant dans les contrats synallagmatiques par l’opération des articles 1470, 1693 et 1694 du C.c.Q, que dans les relations extracontractuelles. En d’autres mots, il n’est pas nécessaire qu’une clause de force majeure soit prévue au contrat pour qu’un débiteur puisse l’invoquer  et être potentiellement exonéré de sa prestation.

Il reviendra donc au débiteur de faire la preuve d’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à ce dernier afin de déclencher ce moyen de défense.

Tel que mentionné, une analyse juridique et factuelle particulière quant aux effets de la pandémie COVID-19 sur la situation contractuelle entre les parties devra être effectuée au cas par cas. Nous vous invitons à contacter un membre de notre équipe en litige commercial pour toute question à ce sujet.

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