Sommaires exécutifs 3 févr. 2025

Comment évaluer et mitiger l’impact des nouveaux droits de douane américains sur vos relations contractuelles ?

Le Canada est dans l'incertitude quant à la mise en place de nouveaux droits de douane (souvent appelés « tarifs ») pouvant atteindre 25% par les États-Unis et prévoit éventuellement des mesures de représailles. 

La situation causera des changements majeurs dans la chaîne d’approvisionnement. Si, comme plusieurs entreprises canadiennes, vous avez des contrats en place avec des entreprises américaines, comment pouvez-vous évaluer l’impact des nouveaux tarifs sur ces relations contractuelles et être proactif pour en mitiger les conséquences? C’est ce que nous explorons dans cet article, en prenant comme cas de figure un contrat d’approvisionnement à long terme entre un fournisseur québécois et son client américain. 

Prix et modalités de livraison

Les risques liés à l’imposition des droits de douane sont évidemment très élevés pour les fournisseurs qui se sont engagés à vendre des produits à prix fixes, surtout lorsque ces prix comprennent la livraison chez leur client. Les modalités de livraison du contrat (ou du bon de commande) prennent alors toute leur importance. Celles-ci sont souvent décrites de façon abrégée dans le contrat, en référence à des Incoterms. Il faut alors savoir que les Incoterms DDP (Delivered Duty Paid) impliquent que le vendeur assume les frais de douane liés à l’importation aux États-Unis. En général, cependant, les frais à l’importation sont assumés par l’acheteur. Voir à cet effet l’article sur les Incoterms. 

Même si le fournisseur québécois n’est pas tenu de payer les tarifs américains en vertu de son contrat, il peut tout de même être touché par l’imposition de ces tarifs. En effet, l’imposition des tarifs américains, ainsi que toute imposition de tarifs par le Canada ou d’autres pays en riposte, aura un impact sur toute la chaîne d’approvisionnement et donc sur les prix de fabrication. Le vendeur pourrait avoir prévu une clause d’ajustement des prix en fonction de l’augmentation du coût des matériaux et des composantes. Il sera important de vérifier si votre contrat contient une telle clause.


Que l’augmentation vienne des tarifs ou d’un ajustement de prix, l’acheteur pourrait vouloir mettre fin au contrat rendu trop onéreux, ou donner priorité à d’autres fournisseurs moins affectés par la situation. D’où l’importance de s’attarder aux autres clauses du contrat, comme nous le ferons ci-dessous. 

 

Durée du contrat et clauses de résiliation

Le contrat peut prévoir un droit de résiliation du contrat ou de commandes en cours de la part de l’une ou l’autre des parties, ou des deux. Si le contrat devient trop onéreux pour l’acheteur celui-ci voudra peut-être se prévaloir de cette clause en mettant fin au contrat ou à une commande en particulier, ou en ne renouvelant pas le contrat à son échéance; il faut être conscient du risque. 

L’inverse est aussi vrai : si le contrat devient trop onéreux pour le fournisseur, celui-ci pourrait vouloir limiter ses pertes en mettant fin au contrat. Dans plusieurs cas, le droit de résiliation de la part de l’acheteur s’accompagne d’une clause de compensation pour les frais engagés par le vendeur, surtout lorsque ceux-ci ne peuvent pas être recouvrés par le vendeur. Ces frais doivent être bien évalués, et les contrats d’approvisionnement entre le fabricant et ses propres fournisseurs doivent être analysés. Si des employés doivent être mis à pied en raison de la perte de commandes, les indemnités  de fin d’emploi pourraient être incluses dans ces frais et facturées au client. 

 

Exclusivité et achats minimums

Bien entendu, si l’acheteur ne peut pas s’approvisionner auprès d’un autre fournisseur pour le même produit, la situation du vendeur est mieux sécurisée. L’acheteur a cependant parfois un droit de s’approvisionner auprès d’un tiers si le même bien est offert selon de meilleures conditions. La portée de l’exclusivité et ses limites doivent donc être bien analysées. Les droits de propriété intellectuelle du vendeur sur les produits pourraient néanmoins le sécuriser et lui permettre d’empêcher une contrefaçon ou même de négocier des redevances pour la fabrication de composantes semblable par un tiers. 

Force majeure, changements substantiels et renégociation

En cas de force majeure, une partie peut être dispensée d’exécuter certaines obligations et exonérée des dommages qui pourraient en découler. Une force majeure résulte généralement d’événements imprévisibles, hors du contrôle des parties, et rend impossible l’exécution d’une obligation. Les clauses contractuelles de force majeure considèrent d’ailleurs souvent l’intervention gouvernementale ou les changements à la législation applicable comme un cas de force majeure. On pourrait donc croire qu’une imposition subite des tarifs constituerait un cas de force majeure, mais ce n’est généralement pas le cas. En effet, l’exécution d’une obligation n’est pas impossible parce qu’elle devient plus onéreuse. De plus, peut-on affirmer qu’une hausse des tarifs est imprévisible, surtout dans un contexte où la menace plane depuis plusieurs mois? Bref, les clauses typiques de force majeure ne s’appliquent généralement pas dans le contexte qui nous occupe, et les parties seront tenues de remplir leurs obligations contractuelles malgré l’imposition de tarifs. Il est possible cependant que votre contrat présente une définition plus large de la notion de force majeure, et les clauses pertinentes doivent être analysées. 

Finalement, votre contrat pourrait aussi contenir des clauses permettant aux parties d’en renégocier certains aspects si des changements aux conditions du marché font en sorte que l’exécution du contrat devient trop onéreuse pour l’une ou l’autre des parties, sous réserve du respect de certaines procédures (comme des avis et de l’échange d’informations) et d’une renégociation. Il sera important de vérifier si de telles clauses sont présentes et d’en comprendre les conditions et risques, le cas échéant. Il pourrait également être possible de modifier les spécifications des produits pour limiter l’impact de l’augmentation des prix de la chaîne d’approvisionnement, mais le consentement du client et souvent requis pour ce genre de changement. 

Les relations solides et les bonnes communications avec ses clients sont souvent essentielles à une collaboration réussie. Dans le contexte actuel, il est d’autant plus crucial de maintenir ces bonnes relations et communications, tout en étant bien préparé et informé des paramètres contractuels en place. Il faut également être conscient de son pouvoir de négociation et des possibilités juridiques par rapport à une solution négociée. 

La mission de BCF est de soutenir les entreprises locales dans leurs affaires quotidiennes, de les rassurer en période d’incertitude et de leur offrir des conseils d’experts. Nous sommes engagés à vous fournir des conseils et une expertise pour vous aider à naviguer dans des situations complexes, y compris les questions liées aux tarifs à l’importation et des impacts sur la chaîne d’approvisionnement. Notre équipe est consciente des défis auxquels vous devez faire face et se tient prête à vous aider à utiliser au mieux les ressources disponibles. N’hésitez pas à contacter notre équipe pour obtenir des conseils sur vos obligations contractuelles.