Finalement, la Cour mentionne que l'ajout d'une telle approbation dans un contrat n'est pas contraire au principe de la bonne foi et s'inscrit plutôt en adéquation avec le respect de la liberté contractuelle des parties.
Sommaire exécutifs
Dec 11, 2025
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Les clauses de renouvellement d'un bail commercial et l'offre conditionnelle à l'approbation d'un tiers


Points clés à retenir
Ce texte a d’abord été publié dans La Référence de Thomson Reuters sous la citation Chronique – Commentaire sur l’arrêt 2177 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc. – Les clauses de renouvellement et l’offre conditionnelle à l’approbation d’un tiers (EYB2025REP3899).
Les auteur·rices y analysent une décision dans laquelle la Cour d’appel est appelée à interpréter la portée d’une clause contenue dans un bail commercial, alors que les parties divergeaient quant à sa qualification à titre de véritable option de renouvellement. La Cour se penche également sur les effets juridiques liés à la transmission d’une offre dite « conditionnelle à une approbation ».
Me Julien Tricart est associé au sein du groupe Litige, où il concentre sa pratique sur le litige civil et commercial, le droit de la construction et la responsabilité professionnelle.
Me Eleonora Eusepi est associée au sein du groupe Droit des affaires, où elle concentre sa pratique en droit immobilier ainsi qu’en droit bancaire et financement.
Me Catherine Gaudreau est avocate au sein du groupe Litige civil et commercial de BCF.
Une décision récente de la Cour d'appel, soit l'arrêt 2]77 23rd Avenue Holdings c. Pival International inc., apporte un éclairage intéressant sur deux sujets d'intérêt dans le domaine juridique, particulièrement en matière de baux commerciaux et plus généralement en matière de conclusion de contrat.
Effectivement, la Cour s'est prononcée sur ce qui constitue une véritable option de renouvellement en matière de bail commercial, une clause qui, lorsqu'elle n'est pas rédigée adéquatement ou mal comprise, peut causer bien des maux de tête tant au locateur qu'au locataire.
De plus, le plus haut tribunal de la province en a également profité pour écrire quelques lignes sur la notion d'offre conditionnelle à une approbation dépendant de l'offrant, pratique courante dans le domaine des affaires.
1. Les faits
L'intimée Pival International inc. (« Pival ») exploite une entreprise de transport et de logistique. Au mois de juillet 2016, elle conclut un bail commercial de cinq ans avec Placement Immobilier Cominar (« Cominar »).
Le bail comprend une clause dite de renouvellement. Selon cette clause, le bail pourra être renouvelé pour une période de cinq ans. Pour exercer ce droit, Pival doit transmettre un avis de son intention de se prévaloir de cette clause à Cominar, puis négocier le nouveau loyer dans un délai de 60 jours de l'avis.
La clause indique que les taux applicables afin de fixer le nouveau loyer seront les taux du marché et/ou de l'immeuble en vigueur pour un terme équivalent, un espace comparable, d'usage similaire et situé dans le même secteur de la ville. Finalement, il est prévu qu'à défaut d'entente sur le loyer ou défaut de conclusion d'une nouvelle entente de location dans le délai imparti, l'option de renouvellement deviendra nulle et non avenue.
Au printemps 2021, Pival manifeste à Cominar son intention de se prévaloir de son option de renouvellement. Des négociations sont alors initiées par les parties.
En parallèle, Cominar est en processus de conclure une opération de fermeture (« going-private transaction »). Dans ce contexte, il est prévu que l'immeuble serait acquis imminemment par un tiers acquéreur. Ainsi, Cominar s'engage aussi à obtenir l'accord du tiers acquéreur avant de conclure une entente de location.
En octobre 2021, suivant des discussions entre les parties, Cominar transmet à Pival une proposition de renouvellement conditionnelle à l'approbation de l'éventuel tiers acquéreur de l'immeuble. Cette proposition est acceptée par Pival un peu plus d'un mois plus tard.
La proposition de renouvellement est subséquemment présentée au tiers acquéreur qui la refuse.
Estimant qu'un nouveau bail a été formé par l'acceptation de la proposition de renouvellement de Cominar, Pival intente une action judiciaire pour faire reconnaître l'existence du renouvellement.
2. La décision de première instance
La Cour supérieure conclut que Pival bénéficiait d'une véritable option de renouvellement par opposition à un simple droit de préférence en raison du renvoi de la clause au taux du marché, rendant ainsi le loyer déterminable.
Le tribunal de première instance n'estime toutefois pas qu'un nouveau bail ait été formé. En effet, la Cour constate que l'offre de Cominar n'était pas une offre de contracter au sens de l'article 1388 C.c.Q. en raison de la condition d'approbation d'un tiers.
Néanmoins, le juge reproche à Cominar d'avoir manqué à son obligation de négocier de bonne foi auprès de Pival. N'eût été ce manquement, il conclut qu'un nouveau bail aurait été conclu. N'étant pas en mesure de fixer lui-même le loyer, le tribunal ordonne finalement aux parties d'engager de bonne foi des négociations afin de fixer le loyer selon les taux du marché.
Les tiers acquéreurs, les appelants, 2177 23rd Avenue Holdings (« Holdings ») et BP Cognac Canada Owner Limited Partnership (« BP Cognac »), se pourvoient contre ce jugement de la Cour supérieure qui accueille en partie la demande introductive d'instance de l'intimée Pival.
Après avoir examiné les questions soulevées, notamment celles relatives à la clause de renouvellement et aux offres conditionnelles, la Cour d'appel infirme le jugement de première instance. Elle conclut que la clause prévue au bail ne constituait pas une véritable option de renouvellement. La Cour estime également que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que Cominar avait manqué à son obligation de négocier de bonne foi. Enfin, elle considère que le remède accordé en première instance n'était pas approprié.
3. La décision de la cour d'appel
A. Les clauses d'option de renouvellement
Les clauses d'option de renouvellement, qu'elles soient contenues à un bail ou à un autre contrat, font fréquemment l'objet de litiges en raison de leurs conditions et conséquences souvent imprécises.
La Cour d'appel s'est donc penchée sur la question de savoir si la clause contenue au bail entre les parties constituait une réelle option de renouvellement. À défaut, la Cour devait se prononcer si cette clause conférait un autre type de droit au locataire.
Contrairement au juge de première instance, la Cour d'appel a conclu qu'il ne s'agissait pas d'une véritable option de renouvellement. La Cour a plutôt qualifié la clause de « droit de préférence ».
La Cour d'appel explique sa décision par le fait que l'élément à être négocié, soit le loyer, n'était pas « déterminable » puisque les termes du contrat ne renvoyaient pas à un indice de prix connus, ni à un mécanisme de détermination du loyer « objectif et extérieur aux parties », celui-ci étant
plutôt à la merci de l'issue des négociations entre le bailleur et le locataire.
De plus, la clause fait clairement état des conséquences du défaut d'une entente entre les parties, c'est-à-dire la nullité de l'option de renouvellement. Comme il est mentionné dans l'arrêt, ces deux éléments de la clause font perdre à l'option de renouvellement tout caractère contraignant, l'empêchant donc d'être qualifié d'un réel droit de renouvellement.
Par opposition au droit de renouvellement, le droit de préférence n'accorde pas au locataire le droit de reconduire le bail à son échéance. Il lui accorde plutôt l'équivalent d'un droit de premier refus : si le locateur obtient une offre de location d'un tiers qu'il est prêt à accepter, il serait dans l'obligation de soumettre cette offre au locataire bénéficiaire du droit de préférence, qui pourrait renouveler son bail aux mêmes conditions.
Dans le cas du présent dossier, de notre avis, il est même discutable que le texte du bail prévoyait un droit de préférence du type invoqué par la Cour.
Ce que nous pouvons retenir de la décision de la Cour d'appel à ce sujet est que lors du processus de rédaction d'une clause d'option de renouvellement, il est crucial de garder en tête les implications de la méthode de détermination de l'élément à être fixé et, le cas échéant, les conséquences de l'échec des négociations.
Si l'élément est déterminable ou si sa détermination repose sur un mécanisme objectif et extérieur aux parties, la réalisation de l'option n'est pas à la « merci » des parties et est donc contraignante.
Dans le cas contraire, si des négociations sont nécessaires, il pourrait être nécessaire de prévoir une clause d'arbitrage ou encore la nomination d'un expert en la matière pour résoudre l'impasse des négociations dans le but de conserver le caractère contraignant de la clause.
La Cour d'appel mentionne de plus qu'une clause qui prévoit des négociations entre les parties emporte également une obligation implicite de négocier de bonne foi.
B. Les offres sujettes à une approbation
La Cour supérieure et la Cour d'appel sont toutes deux arrivées à la conclusion que l'acceptation de l'offre de Cominar ne constituait pas une offre de contracter au sens de l'article 1388 C.c.Q. et donc que son acceptation n'avait pas pour effet de former un contrat entre les parties.
Tel que mentionné précédemment, cette affaire avait comme particularité que Cominar était en processus de vente de l'immeuble à un tiers (Holdings et BP Cognac). Lorsque Pival a communiqué à Cominar son intention de renouveler son bail, des négociations ont été entreprises entre les parties. Cominar a présenté une offre à Pival, le tout conditionnel à l'acceptation du tiers acquéreur qui devait acquérir l'immeuble de façon imminente. Pival a accepté cette offre qui a toutefois été refusée par le tiers acquéreur.
En fait, celui qui reçoit puis accepte une telle offre conditionnelle, sera alors considéré comme le véritable « offrant », car c'est lui qui manifeste ainsi sa volonté ferme d'être lié en cas d'acceptation par l'autre partie.
Cette affaire s'inscrit comme un véritable appel à la prudence et à la précision lorsque vient le temps de rédiger une clause d'option de renouvellement. C'est également un rappel des principes et des limites de l'intervention judiciaire en matière contractuelle.
Lors de la rédaction d'une clause de renouvellement en matière de bail commercial, il est crucial de s'assurer qu'elle soit contraignante. Cela implique de prévoir un mécanisme clair pour fixer le loyer ou pour résoudre une impasse en cas de désaccord.






