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Sommaire exécutifs
Nov 5, 2025
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Jusqu’où va le secret professionnel des comptables professionnels agréés (CPA)?
La Cour d’appel du Québec s’est récemment penchée sur cette question dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2024 QCCA 1500..
Dans ce jugement marquant, la Cour rapelle que le secret professionnel des CPA ne peut être assimilé à celui des avocats et ne bénéficie donc pas des mêmes protections. Cette distinction est particulièrement importante lorsque les clients des CPA exercent une activité réglementée qui limite leur expectative de vie privée.
Voici ce qu’il faut retenir de cette décision.
La décision de première instance découle du dépôt, par l’Ordre professionnel des CPA, d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure. Cette demande visait à faire déclarer l’article 17.0.1 de la Loi sur l'encadrement du secteur financier (« LESF ») inapplicable aux membres de l’Ordre.
Selon l’Ordre, le libellé de cette disposition n’était pas suffisamment explicite pour écarter le droit au secret professionnel protégé par la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte »). Introduit dans la LESF il y a quelques années, l’article 17.0.1 vise notamment à protéger les CPA qui souhaitent divulguer volontairement à l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») des violations aux lois encadrant l’industrie financière. Cette disposition leur permet de lever leur secret professionnel pour ce faire.
Plus précisément, son troisième alinéa prévoit expressément une levée du secret professionnel pour ceux et celles qui choisissent de s’en prévaloir, à l’exception des avocats et avocates ou des notaires qui demeurent liés par leur secret professionnel.
Dans son jugement de première instance, la Cour supérieure a donné raison à l’Ordre professionnel des CPA. Elle a conclu que :
En conséquence, la Cour supérieure a ainsi déclaré l’article 17.0.1 inapplicable aux membres de l'Ordre professionnel des CPA.
L’AMF et le procureur général du Québec ont par la suite porté cette décision en appel.
La Cour d’appel a confirmé le raisonnement du juge de première instance selon lequel le troisième alinéa de l’article 17.0.1 de la LESF constitue une « disposition expresse » au sens de l’article 9 de la Charte autorisant la levée du secret professionnel des CPA.
Toutefois, contrairement au juge de première instance, la Cour d’appel a conclu que le troisième alinéa de cette disposition n’entraîne pas une violation du droit à la vie privée des clients des CPA.
Plus précisément, selon la Cour d’appel, le droit à la vie privée, qui fait partie intégrante du droit au secret professionnel, l’analyse d’une potentielle violation doit débuter par un ’examen contextuel de l’expectative raisonnable de vie privée. Or, pour les clients des CPA, cette expectative n’est pas élevée.
Le tribunal rappelle que le nouveau mécanisme de protection des dénonciateurs instauré par la LESF « s’inscrit dans un régime législatif plus large impliquant notamment la surveillance par [l’AMF] de plusieurs aspects du domaine des services financiers » (Paragraphe 108 de la décision à l’étude.). Les acteurs exerçant une activité réglementée doivent donc s’attendre à pouvoir faire l’objet de vérifications, d’enquêtes, d’inspections ou de procédures administratives, ce qui réduit leur expectative de vie privée.
La Cour d’appel souligne aussi que l’analyse d’une violation potentielle du droit au secret professionnel doit tenir compte de la nature des informations visées par le régime de divulgation et du but de leur communication. En l’espèce, seuls les renseignements indiquant un manquement survenu ou anticipé à une loi visée par l’article 7 de la LESF (ou une demande de commettre un tel manquement) sont concernés. Ces renseignements, principalement de nature commerciale ou financière, confèrent une ’expectative raisonnable de vie plus faible.
La Cour rappelle en outre que l’article 17.0.1 de la LESF n’impose aucune obligation de divulgation au CPA.
Enfin, la Cour d’appel insiste sur la distinction entre le secret professionnel des CPA et celui des notaires et des avocats et avocates. L’« intensité et la portée du droit au respect du secret professionnel varient selon la nature des fonctions exercées par les membres des ordres professionnels » et « le type de services qu’ils sont appelés à rendre » (Paragraphe 87 de la décision à l’étude). Le rôle du CPA, différent de celui du juriste, justifie donc une portée plus restreinte du secret professionnel.
La Cour d’appel conclut ainsi que l’article 17.0.1 de la LESF ne viole pas le droit au secret professionnel des clients des CPA garanti par l’article 9 de la Charte. L’article demeure donc valide et applicable.
En somme, les clients bénéficient bel et bien du secret professionnel lorsqu’ils font appel aux services d’un CPA. Toutefois, ce droit n’est pas absolu. Il ne peut empêcher un CPA de divulguer volontairement à l’AMF des renseignements pouvant démontrer qu’un manquement à une loi visée par l’article 7 de la LESF (notamment la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur les assureurs) a été commis.
En pratique, cette décision rappelle que le secret professionnel des CPA comporte des limites et qu’il s’exerce différemment de celui des avocats, avocates et des notaires.
Vous avez des questions sur la portée du secret professionnel en contexte réglementaire ? Notre équipe en litige peut vous accompagner.
Au Québec, le secret professionnel est principalement protégé par l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui prévoit que « chacun a droit au respect du secret professionnel ». Cette protection s’applique à l’ensemble des professions reconnues par le Code des professions, y compris les comptables professionnels agréés (CPA). D’autres lois sectorielles, comme la Loi sur l’encadrement du secteur financier (LESF), peuvent toutefois préciser ou encadrer la portée de ce secret dans certains contextes.
Le secret professionnel des CPA vise à protéger la confidentialité des renseignements confiés par leurs clients dans le cadre de leurs fonctions. Il oblige le CPA à ne pas divulguer les informations obtenues dans l’exercice de sa profession, sauf si la loi l’y autorise expressément ou si le client y consent. Ce secret assure la relation de confiance entre le professionnel et son client, tout en contribuant à l’intégrité du système professionnel québécois.
Au Québec, le secret professionnel repose sur le devoir de confidentialité que tout professionnel doit à son client. Ce devoir, prévu notamment à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l’article 60.4 du Code des professions, vise à protéger les renseignements confiés dans le cadre de la relation professionnelle.
Le secret professionnel appartient au client, qui seul peut consentir à sa levée. Certaines lois prévoient toutefois des situations précises où il peut être levé ou limité, par exemple lorsqu’une divulgation est expressément autorisée par la loi, comme dans le cas de l’article 17.0.1 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier.