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Sommaire exécutifs

Dec 15, 2025

5 min à lire

Ce qu’il faut savoir avant d’utiliser les indications « Produit du Canada » et « Fait au Canada »

Depuis quelques mois, et dans le contexte politique et économique actuel, nous observons une effervescence autour de l’utilisation d’indications visant à promouvoir les produits et les services canadiens. Bien que cette tendance marketing puisse comporter certains avantages, elle doit être utilisée avec précaution afin d’éviter des risques importants, dont le« maple-washing ». 

Dans la foulée de cette tendance, il n’est d’ailleurs pas surprenant qu’en mars dernier, le Bureau de la concurrence (« Bureau ») ait mis à jour ses lignes directrices relatives aux indications « Produit du Canada » et « Fait au Canada ». À l’approche du temps des Fêtes, période synonyme de ventes importantes, il nous semble opportun de rappeler les meilleures pratiques à adopter en matière de marketing sur ce point afin d’éviter les faux pas.

En bref, très peu d’éléments ont changé dans les plus récentes lignes directrices émises par le Bureau. Malgré le temps qui passe, les critères demeurent les mêmes. Il est à noter que les lignes directrices publiées par le Bureau ne visent que les produits de consommation qui ne sont pas des denrées alimentaires, lesquelles sont supervisées par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. 

Les lois pertinentes que le Bureau a pour mission d’appliquer sont les suivantes  :

  • Loi sur la concurrence (« LC ») ;
  • Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation ;
  • Loi sur l'étiquetage des textiles.

Quels critères appliquent le Bureau afin de déterminer si l’indication est fausse ou trompeuse?

Tout d’abord, aucune entreprise n’est obligée d’utiliser de telles indications. Cependant, si elle choisit de le faire, le Bureau appliquera les critères ci-dessous afin de déterminer s’il s’agit d’une indication fausse ou trompeuse au sens des lois susmentionnées. 

Le Bureau applique le critère de l’impression générale. Il considère ainsi le sens littéral ainsi que l’impression générale donnée par « une combinaison de mots, d’éléments visuels et d’illustrations ainsi que leur disposition ». Tout élément promotionnel, peu importe le moyen de communication utilisé, est donc susceptible d’être évalué. Cela peut inclure les étiquettes sur les produits, le site internet, les réseaux sociaux, les médias imprimés ou radiodiffusés ainsi que les indications verbales.

Si le Bureau vient à la conclusion que l’indication donne l’impression que le produit est canadien ou a été fait au Canada, il appliquera les critères spécifiques suivants.

« Produit du Canada »

« Produit du Canada »

Au moins 98 % des coûts directs de production ou fabrication ont été engagés au Canada.

La dernière transformation substantielle a eu lieu au Canada.

« Fait au Canada »

« Fait au Canada »

Au moins 51 % des coûts directs de production ou fabrication ont été engagés au Canada.

La dernière transformation substantielle a eu lieu au Canada.

L’indication « Fait au Canada » est accompagnée d'un énoncé descriptif, comme « Fait au Canada avec des composants importés » ou « Fait au Canada avec des composants canadiens et importés ».

Afin d’assurer une pratique conforme, encore faut-il bien comprendre ces critères. Nous tâcherons de vous apporter un certain éclairage sur la signification et la portée de ceux-ci.

Que signifie un coût direct de production ou de fabrication?

Le Bureau fournit dans ses lignes directrices quelques indications relatives à ce que peut constituer un coût direct de production ou de fabrication. Celles-ci incluent :

  • Les dépenses en matériaux engagées pour la production ou la fabrication du produit ; 
  • Les dépenses de main-d’œuvre engagées qui se rapportent à la production ou à la fabrication des articles, et qui peuvent être raisonnablement attribuées à la production ou à la fabrication du produit. 

Le Bureau mentionne dans ses lignes directrices que le seuil de contenu canadien est de 98 % pour l’indication « Produit du Canada » et de 51 % pour l’indication « Fait au Canada ». Nous en déduisons que les coûts doivent nécessairement se rattacher à des matériaux ou des matières canadiennes ou à un service fourni ou réalisé au Canada.

Dans certaines situations, il sera facile de déterminer si un coût est direct (par exemple, le coût d’acquisition de la matière première utilisée pour la fabrication d’un produit). Dans d’autres cas, déterminer si un coût peut être considéré comme direct nécessitera une analyse plus poussée. Selon nous, certains facteurs peuvent fournir des pistes permettant la qualification du coût, notamment la fluctuation du coût selon la quantité de production du produit, le traitement comptable du coût et la désignation dans les états financiers. Le Bureau précise que des frais généraux ne sont habituellement pas compris dans le calcul, sauf s’ils se rapportent directement et peuvent être raisonnablement attribués à la production ou à la fabrication du produit. 

Qu’est-ce qu’une transformation substantielle?

Dans ses lignes directrices, le Bureau définit la transformation substantielle comme suit : 

« Des biens sont substantiellement transformés lorsqu’ils subissent une modification fondamentale de leur forme, de leur apparence ou de leur nature qui fait en sorte que le produit de la transformation est un article nouveau et différent de celui qu’il était avant sa transformation. »

Cette définition demeure très large et laisse place à l’interprétation.  Voici donc un cas qui fournit un certain éclairage sur l’application de la notion de transformation substantielle par le Bureau.

L’affaire Moose Knuckles (2016)

En 2016, le Bureau avait déposé une demande devant le Tribunal de la concurrence contre l’entité Moose International inc. (connue pour la vente des manteaux Moose Knuckles) alléguant une utilisation non conforme de l’indication « Fait au Canada ». Le Bureau alléguait que les indications créaient une impression générale fausse ou trompeuse, notamment puisque la dernière transformation substantielle n’avait pas lieu au pays. Les manteaux visés étaient presque entièrement fabriqués à l’extérieur du Canada. Seuls les ornements et accessoires, tels que les fermetures à glissière et les boutons, étaient apposés dans les usines canadiennes de l’entreprise. Le Bureau soutenait que le simple fait d’apposer des fermetures à glissière ne changeait ni l’apparence ni la nature du produit, et que la dernière transformation substantielle n’avait donc pas lieu au Canada.

Finalement, un consentement a été conclu et enregistré entre les parties et aucune décision du Tribunal de la concurrence n’a été rendue sur ce point.  Moose International inc. a accepté de verser la somme de 750 000 $ à des organismes de bienfaisance, de publier un avis correctif sur son site internet pendant une période d’un an, de modifier les indications afin d’y ajouter l’énoncé descriptif « Fait au Canada avec des composants canadiens et importés », en plus d’implanter un programme de conformité en lien avec ce sujet au sein de l’entreprise.

Ce que nous devons retenir de ce dossier, c’est que la transformation substantielle est, aux yeux du Bureau, un critère tout aussi important que le coût direct et l’énoncé descriptif. Ces trois critères doivent ainsi êtres satisfaits indépendamment. La transformation substantielle doit refléter un changement dans le produit et ne peut se résumer à une modification mineure de l’article visé.

Si je ne rencontre pas les critères, puis-je utiliser d’autres indications se rapportant au Canada?

D’autres indications peuvent être utilisées afin de promouvoir une activité ou un aspect du produit qui se rattache au Canada. À titre d’exemple, il est possible d’utiliser des indications telles que « Conçu au Canada », « Emballé au Canada » ou « Assemblé au Canada » dans la mesure où elles sont avérées.

Le critère de l’impression générale demeure. Il faut donc s’assurer que l’indication est vraie et assez précise de manière à ne pas tromper ou induire en erreur.

Quelles sont les conséquences possibles de l’utilisation non conforme des indications « Produit du Canada » ou « Fait au Canada »?

L’utilisation de telles indications, alors que les critères mentionnés ci-dessus ne sont pas satisfaits, peut mener à l’ouverture d’une enquête par le Bureau de la concurrence et le dépôt de procédures devant le Tribunal de la concurrence, tel que vu dans le dossier Moose International inc. De plus, depuis le 20 juin dernier, les parties privées peuvent entreprendre, sur permission (art. 103.1 (1) LC), des procédures devant le Tribunal de la concurrence en matière de pratique commerciale trompeuse, ouvrant ainsi la voie à d’autres poursuites potentielles. Dans ce dernier cas, l’intérêt du public devra alors être démontré (art. 103.1 (6.1) LC). Enfin, l’article 52 LC prévoit que la promotion d’un produit ou d’un service au moyen d’une indication fausse ou trompeuse sur un point important, faite sciemment, constitue une infraction qui peut donner ouverture à une réclamation en dommages compensatoires en vertu de l’article 36 LC. 

D’ailleurs, tout récemment, une action collective a été intentée contre des épiciers en raison de l’utilisation, prétendument non conforme, des indications « Produit du Canada » et « Fait au Canada » sur certains produits. Cette action repose à la fois sur les dispositions de la LC et de la LPC.  Il est donc important de noter que la responsabilité ne vise pas uniquement les fabricants des produits, mais également les détaillants et les revendeurs. En réalité, toute entité qui affiche ou utilise ce type d’indication destinée aux consommateurs peut être concernée.

Une analyse approfondie, un programme de conformité bien intégré et des formations ciblées auprès des personnes concernées peuvent réduire, voire éliminer ce risque.

Notre équipe en droit de la concurrence peut vous accompagner dans l’identification de vos besoins et la réalisation de vos projets, en conformité avec le cadre réglementaire applicable, et assure la défense de vos intérêts en cas de litige.

Avertissement

Le présent bulletin ne constitue pas un avis juridique. Il est toujours préférable de consulter un avocat afin qu’une analyse complète de votre cas spécifique soit réalisée dans le but de formuler des recommandations adaptées.