Sommaires exécutifs 8 juil. 2025

Licenciement collectif: des changements guettent-ils les employeurs de juridiction fédérale ?

La conjoncture économique force plusieurs employeurs à réévaluer leurs besoins de main-d’œuvre, ce qui peut occasionner des mises à pied ou des licenciements. 

Le cadre légal actuel

Pour les employeurs de juridiction fédérale, la partie III du Code canadien du travail (le « CCT ») énonce les règles applicables pour les licenciements individuels et collectifs.  

La mise à pied ou le licenciement de 50 employés ou plus au sein d’un même établissement à l’intérieur d’une période de quatre semaines peut entraîner l’application des dispositions de la Section IX du CCT propre aux licenciements collectifs.

En cas de licenciement collectif, l’article 212 du CCT prévoit l’obligation pour l’employeur d’aviser par écrit le chef de la conformité et de l'application du Programme du travail au moins 16 semaines avant la date du premier licenciement prévu, avec copie au ministre de l'Emploi et du Développement social, à la Commission de l'assurance-emploi du Canada et aux syndicats représentant les employés visés. Lorsque les employés visés ne sont pas syndiqués, l’employeur doit remettre une copie de l’avis aux employés visés ou afficher une copie de cet avis dans un endroit bien en vue sur leur lieu de travail.

Lorsque l’employeur omet de donner cet avis ou qu’il en donne un d’une durée insuffisante, les employés ne peuvent pas exiger de l’employeur le versement d’une indemnité compensatoire. Il s’agit d’une distinction importante par rapport à la situation qui prévaut pour les employeurs québécois de juridiction provinciale qui sont tenus de verser une telle indemnité aux employés visés par un licenciement collectif en vertu de l’article 84.0.13 de la Loi sur les normes du travail. 

Le débat sur l’indemnité tenant lieu de préavis de licenciement collectif

L’interprétation de l’article 212 du CCT a récemment fait l’objet d’une décision de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta dans le cadre de procédures prises sous le régime de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies à la suite de la cessation des activités de Lynx Air. Dans cette affaire, un syndicat demandait à la Cour d’émettre une ordonnance déclarant que les employés ont le droit d'inclure dans leur réclamation, en vertu du Programme de protection des salariés (PPS), une indemnité tenant lieu du préavis de licenciement collectif de 16 semaines que Lynx Air n’avait pas donné. 

La Cour a rejeté cette demande pour quatre motifs :

(1) Le préavis de licenciement collectif doit être donné au chef de la conformité, et non aux employés directement.

(2) L’objectif de la Section IX n’est pas de fournir un soutien financier aux employés visés, mais plutôt d’éliminer la nécessité des licenciements ou d’en minimiser les conséquences (Art. 221 du CCT).

(3) Le ministre du Travail peut exempter un employeur de l’exigence de donner un préavis, ce qui est incohérent avec l’idée qu’un employé a un droit incontestable de recevoir une indemnité tenant lieu de préavis de licenciement collectif.

(4) Les obligations de l’employeur de verser une indemnité tenant lieu de préavis en vertu de la Section X et une indemnité de départ en vertu de la Section XI sont explicites. S’il était de l’intention du Parlement de créer une telle obligation en vertu de la section IX, il aurait pu le prévoir, mais il ne l’a pas fait. D’ailleurs, l’obligation de verser une indemnité tenant lieu de préavis collectif est explicitement prévue aux lois provinciales sur les normes du travail de plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, le Manitoba, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.  

Un sort qui pourrait bientôt être différent

Ce résultat n’est pas étonnant puisqu’il vient appliquer la même interprétation de l’article 212 du CCT que celle qui avait été retenue par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’affaire Conrad v. Imperial Oil, c’est-à-dire que le préavis de licenciement collectif à donner au ministre en vertu de l’article 212 n’équivaut pas à une indemnité tenant lieu de préavis due aux employés licenciés.

Il peut toutefois être décevant pour le syndicat demandeur et les employés affectés puisque les dispositions du CCT obligeant un employeur à verser une indemnité compensatoire en cas de défaut de donner un préavis de licenciement collectif existent déjà.      

Le Parlement a en effet adopté la Loi nº2 d’exécution du budget de 2018 le 13 décembre 2018 afin de modifier la Section IX du CCT. Lorsque ces modifications entreront en vigueur, l’article 212.1 sera ajouté au CCT afin de prévoir une obligation pour l’employeur de donner un préavis écrit d’au moins huit (8) semaines à chaque employé visé par le licenciement collectif ou de lui verser une indemnité en tenant lieu d’au moins huit (8) semaines ou, s’il est supérieur, du nombre de semaines entre la date du licenciement et celle de la fin de la période de préavis de licenciement collectif.

Conclusion

Contrairement aux employés des entreprises de juridiction provinciale québécoise, les employés des entreprises de juridiction fédérale n’ont pas droit de recevoir un préavis de licenciement collectif ou une indemnité en tenant lieu. Cette situation peut toutefois changer rapidement, car le Parlement a déjà adopté les dispositions législatives requises afin de modifier la Section IX du CCT. La date d’entrée en vigueur de ces modifications est inconnue à la date de cette publication.