Sommaires exécutifs 16 juin 2021

Le projet de loi sur la langue officielle et commune du Québec : quels effets sur vos marques de commerce et votre affichage public?

Le projet de loi no 96 (soit la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français ou « Loi 96 »,) est un projet de loi colossal de 100 pages (on aurait pu viser les 101 pages pour le symbolisme...) qui vise à renforcer la protection et la promotion de la langue française au Québec, voire au-delà des frontières de la province.

Si adoptée, cette loi apporterait des modifications importantes non seulement à la Charte de la langue française (aussi connue comme la « Loi 101 », ci-après la « Charte »), mais également à plus d’une vingtaine d’autres lois touchant plusieurs facettes de la société, dont l’éducation et le monde du travail pour nommer deux secteurs particulièrement touchés. Aux fins du présent article, nous nous limiterons aux effets anticipés de ce projet de loi à l’utilisation des marques de commerce, et particulièrement dans le contexte de l’affichage public.

Retour historique

Depuis 1977, la Charte de la langue française prescrit l’obligation d’employer le français dans certaines circonstances et encadre l’utilisation de toutes les autres langues que le français dans certains contextes.

Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement ») a depuis longtemps prévu des exceptions pour l’utilisation d’une « marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce » qui est rédigée « dans une langue autre que le français », et ce, tant sur les produits et leurs emballages que dans l’affichage public. Nous reviendrons sur la portée des deux extraits cités de l’exception plus loin.

En 2016, à la suite de décisions judiciaires confirmant que l’affichage consistant uniquement en une marque de commerce dans une langue autre que le français, sans générique ou descriptif en français, était permis et légal, le gouvernement a modifié le Règlement afin qu’il prévoie désormais que

lorsqu'une marque de commerce est affichée à l'extérieur d'un immeuble uniquement dans une autre langue que le français [...], une présence suffisante du français doit aussi être assurée sur les lieux et fixe les balises définissant la présence suffisante.

À la suite de la mise en œuvre de ces amendements au Règlement, si l’on emploie une marque dans une langue « autre que le français », il devenait obligatoire, dans son affichage public, d’ajouter, par exemple un générique ou un descriptif des produits ou des services visés ou encore un slogan en français. C’est ainsi qu’on a vu apparaître des devantures de magasins telles que « Toys ‘R’ Us – jouets » et « Centre de rénovation Home Hardware ».

Modifications de la Loi 96 sur l’affichage public

Revenons d’abord sur le fait que le Règlement prévoit déjà une exception et permet l’utilisation d’une « marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce » qui est rédigée « dans une langue autre que le français ». L’Office québécois de la langue française (l’OQLF) a généralement pris la position qu’une « marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce » voulait dire une marque « déposée » (ou « enregistrée »). Cependant, les tribunaux ont reconnu à plusieurs reprises que la Loi sur les marques de commerce reconnaissait l’existence de marques qui n’étaient pas déposées et ont donc fait droit à l’application de l’exception pour des marques non déposées. Dans ce contexte, une certaine ambiguïté demeure.

Maintenant, la Loi 96 prévoit que l’exception permise pour l’utilisation d’une marque « dans une autre langue que le français » s’applique uniquement s’il s’agit d’une « marque de commerce déposée  », c’est à dire dûment inscrite comme « enregistrée » au registre des marques de commerce, à moins qu’une version correspondante en français soit inscrite au registre. Cela a l’avantage d’être clair, mais cela restreint grandement la liberté de pouvoir employer des marques de commerce qui ne sont pas déposées. De plus, avec l’état actuel des choses à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC), le délai à prévoir pour qu’une demande d’enregistrement soit traitée est entre deux et trois ans, si tout va bien, pour espérer obtenir l’enregistrement de sa marque. Cela rend donc l’exception inapplicable, dans les faits, pour les nouvelles entreprises ou dans des cas de rebranding d’entreprises existantes...sauf si l’on a eu la prévoyance de s’y prendre bien à l’avance. L’OPIC embauche et entraîne présentement un nombre important de nouveaux examinateurs dans le but de ramener le délai à prévoir pour obtenir un enregistrement de marque à l’intérieur des normes internationalement acceptables. Cela dit, même si le délai était ramené entre 12 et 18 mois, cela serait tout de même, dans bien des cas, trop long pour la vaste majorité des entreprises qui prévoient commercialiser des produits ou services.

Modifications de la Loi 96 à l’emploi d’une marque sur un produit ou son emballage

La Loi 96 ne modifie pas le régime applicable à l’emploi d’une marque dans une langue autre que le français sur un produit ou son emballage. Par contre, comme l’exception vise une « marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce » sans préciser que la marque doit être déposée, il pourrait être plus difficile pour l’OQLF de prétendre que cette exception ne vise que les marques déposées puisque le législateur a pris la peine de préciser que l’exception ne s’applique qu’aux marques déposées pour l’affichage public.

Considérations stratégiques

S’y prendre d’avance :

Nous vous recommanderions bien de vous y prendre au moins trois ans à l’avance pour produire une demande d’enregistrement de marque avant la commercialisation de vos produits ou services si vous espérer pouvoir bénéficier de l’exception permettant l’emploi d’une marque dans une « langue autre que le français » dans l’affichage. Nous comprenons toutefois qu’une telle recommandation n’est tout simplement pas réaliste dans la plupart des cas.

Adopter une marque en français :

Une alternative facile si l’on veut éviter de devoir indiquer un générique ou un slogan en français dans l’affichage serait de toujours adopter une marque en français. Cependant, il est possible que cette option ne cadre pas avec notre plan d’affaire d’un point de vue marketing.

Adopter une marque fantaisiste ou inventée :

Une alternative à considérer si l’on veut donner une connotation internationale ou non franco-ethnique à notre marque serait d’adopter une marque fantaisiste ou inventée qui, bien que ressemblant à un mot « dans une langue autre que le français », n’en est pas véritablement un. D’ailleurs ces marques ont l’avantage de généralement recevoir la plus large portée de protection et constituent d’excellents choix du point de vue du droit des marques de commerce.

En bref, le choix d’une bonne marque de commerce devient plus important et nous vous invitons à communiquer avec notre équipe de marques de commerce qui se fera un plaisir de discuter stratégie avec vous.

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